Le lobbying productiviste agricole est partout présent et notamment dans les sphères bruxelloises.

L’enjeu y est de taille : conforter, sinon réaffirmer, les bienfaits d’un système de plus en plus contesté quant à ses effets et à ses résultats.

Sous le fallacieux prétexte de « nourrir l’humanité » une idéologie de la production standardisée tente de s’imposer définitivement aux consommateurs comme aux agriculteurs, pris en otages sans qu’ils en soient pleinement conscients depuis la mise en place de la loi d’orientation Pisani de 1962.


La production agricole européenne, et singulièrement française, chroniquement excédentaire et pas toujours exportée faute des financements nécessaires, là où elle serait utile dans le Tiers Monde, n’est que le résultat du règne d’un complexe industriel et financier dont les diverses branches s’appuient sur des producteurs proprement réduits en quasi-esclavage.


Sur le plan financier, le Crédit Agricole – qui fut même il y encore peu la première banque du monde – sélectionne soigneusement les agriculteurs qu’il finance pour les contraindre à coopérer de gré ou surtout de force, quitte à acculer à la faillite les récalcitrants comme les agriculteurs séduits par le « bio » par exemple.


Sur le plan industriel, l’agriculture est le support d’une triple activité très lucrative : le machinisme agricole, l’agrochimie (engrais et surtout pesticides divers) et l’industrie agro-alimentaire avec le concours de la grande distribution. Le tout, soulignons-le, s’organise avec la complicité de l’INRA et des autres organismes de recherche dont les investigations sont uniquement orientées vers le rendement et la capacité de conservation des produits, au mépris de la saveur, de la maturité et de la nature de la récolte...


Les agriculteurs, pris dans la nasse, usent leurs forces à rembourser des crédits contractés pour produire afin de faire tourner cette machine...

Peu importe le produit récolté d’ailleurs : le marketing de la grande distribution contraindra les consommateurs à s’en contenter, et l’essentiel de la production rejoindra l’industrie agro-alimentaire pour sa transformation...


Ces activités brassent et rapportent des sommes vertigineuses et, sous prétexte qu’elles sont génératrices d’emploi en ces temps de chômage chronique malgré les catastrophes environnementales qu’elles induisent, tout est fait par nos décideurs politiques pour faciliter leur maintien et leur expansion...


Pourtant l’empoisonnement des nappes phréatiques par les résidus des pesticides pulvérisés, l’assèchement des cours d’eau par les pompages excessifs nécessaires à une irrigation irrationnelle et l’eutrophisation (algues vertes) associée aux excès d’azote, liés tant aux engrais azotés épandus qu’à l’évacuation des lisiers inhérents aux élevages industriels, conduisent certains observateurs à tirer la sonnette d’alarme  face à un saccage environnemental patent et à une série de menaces avérées sur la santé publique d’abord pour les populations rurales, et pour les consommateurs de produits saturés en intrants chimiques de toutes sortes aux effets toujours nocifs sinon dévastateurs...


Une situation néfaste donc qui inquiète depuis vingt ans les milieux productivistes qui ont ouvert un contre feu par le biais d’officines de lobbying financées par certains syndicats agricoles dont les adhérents collaborent avec le système (comme la FNSEA) et bien évidemment aussi par les diverses industries précitées.


Pour eux la question est simple : il faut marginaliser et ridiculiser les récalcitrants, « ces rêveurs qui préparent la famine » comme se plaisait à le répéter le syndicaliste FNSEA Lambert...


C’est dans ce contexte d’affrontement qu’apparaît depuis quelques années un nouveau paramètre : la question OGM. Et aussitôt, les lobbyistes remontent au créneau...

S’appuyant sur les dires d’experts, autoproclamés mais pourtant agréés sinon « reconnus », ces « spécialistes » tentent de démontrer la quadrature du cercle : l’innocuité des OGM, des nitrates, des pesticides, et ils plaident même pour... le retour à l’emploi des farines animales...


On avait en effet oublié l’impasse où se trouve l’industrie de l’équarrissage (plus de 500 000 t. de cadavres par an rien qu’en France) dont les équipements de transformation, très lourds, en farines animales ne permettent pas de reconversion aisée pour éliminer leur « matière première »...


Nous avons largement dénoncé ces menées dans divers articles parus sur le site de Terre Future  [1]

En France, l’une des officines les plus connues est associée à un personnage à la trajectoire aussi improbable que celle des « experts » sur lesquels il s’appuie : Gilles Rivière-Wekstein.

Il se bat pour le maintien de tous les pesticides, contre l’agriculture bio, contre le respect des contraintes environnementales, contre la reconnaissance des pollutions agro-industrielles, etc.

Son credo : « En agriculture, hors du productivisme point de salut ! »

Les nitrates, les pesticides et les OGM, c’est bon pour la santé : refuser de l’admettre, c’est faire preuve d’un obscurantisme anti-scientifique et d’un parti pris évident !

C’est un peu court, certes, mais pour lui au moins, c’est porteur !


Reconnu journaliste ( ?) par le lobby, ce monsieur - qui n’a aucune formation avouée – est à la tête d’un bureau d’études et diffuse une lettre de propagande baptisée « agriculture et environnement ».

Il publie toute une série de livres à la gloire du productivisme où l’arrière pensée politique n’est pas en reste...[2]

Nous avions consacré un article à « Bio, fausses promesses et vrai marketing » où l’on voit que derrière un contexte proprement agricole, les préoccupations idéologiques guident ses choix.


Jean de Kervasdoué, auteur de la préface, haut fonctionnaire, ancien directeur des Hôpitaux, spécialiste de santé publique, même s’il fut ingénieur de Grignon dans sa jeunesse, y donne le ton :


« Ainsi l’agriculture bio s’enracine dans les courants agrariens de l’entre-deux-guerres et dans les mouvements poujadistes des années cinquante dont on sait qu’ils ont été proches de l’extrême droite. La sélection « naturelle » n’est pas loin de l’eugénisme et des thèses défendues par Alexis Carrel. Ce n’est que dans les années soixante-dix que ces thèmes sont devenus ceux des mouvements d’extrême gauche, puis des altermondialistes. L’écologie, de réactionnaire devient alors révolutionnaire. Cela ne doit rien au hasard. Gil Rivière-Wekstein en analyse les mécanismes et en donne les raisons. »[3]


L’amalgame est la technique de base de toutes les manipulations d’opinion... On le voit bien ici !

Ainsi : «  la sélection naturelle, c’est de l’eugénisme ! »

Ainsi : « le bio, c’est du fascisme ! »

Et pourquoi pas : « Le bio c’est Pétain ! » Pendant qu’on y est...


On voit là dans quelle mouvance idéologique se situent ces personnages...

Mais l’environnement scientifique de Rivière-Wekstein nous réserve d’autres surprises comme le docteur Jean Louis Thillier dont la carrière – à défaut de la compétence - est impressionnante !

C’est fou ce que l’intersession de la Sainte Trinité Politique (Idéologie, Relation, Influence) peut faire !

Médecin généraliste du Mélé du Maine, Thillier y fut dans les années 80 un grand émule du docteur Knock...

Mais cela ne dura qu’un temps...


Sanctionné par le Conseil de l’Ordre à la suite d’une enquête de la Sécurité Sociale, son cabinet en faillite, Thillier va se reconvertir en anatomo-pathologiste au service de gastro-entérologie du CHU de Tours puis, va devenir « expert judiciaire européen » et « spécialiste des questions relatives à la sécurité sanitaire » ( ?) à Bruxelles.

Il est même auto-bombardé « généticien et immuno-pathologiste » lors de la dernière crise de grippe aviaire...

Pour un médecin généraliste controversé, aux qualifications improbables, c’est pour le moins étonnant !

Cela donne le vertige, tout comme ses allégations concernant les ruminants, qui ne sont pas selon lui des herbivores...[4]


Bref, la compétence n’est pas forcément l’apanage des experts et des consultants...

Comme le soulignait Albert Jacquard qui a tout de même, lui, dans son cursus, fait preuve de quelques compétences : « un expert, c’est celui qui connaît presque tout sur presque rien. »


On ne s’étonnera donc pas de voir Rivière-Wekstein sortir un nouveau bouquin, forcément bien argumenté, pour sauver les OGM, dont le titre est savamment provocateur :

« Faucheurs de science – Les fanatiques dans nos campagnes »[5]

Il s’agit d’une enquête à charge sur les milieux activistes anti-OGM qui ne nous apprend rien et qui évite soigneusement le débat de fond : pourquoi peut-on s’inquiéter des conséquences de la création et de la dissémination des OGM ?


On notera que l’auteur sort ce bouquin juste au moment où resurgit la problématique OGM à la suite des résultats aussitôt controversés du biochimiste Gilles-Éric Séralini.[6]


Si question marketing, Rivière-Wekstein fait là preuve de compétence, sur le fond, son « enquête » n’apporte absolument rien de nouveau sur ce que tous les lobbyistes des OGM ont déjà dénoncé et exposé.


Pourquoi évoquer ce livre alors ?

Simplement parce qu’il use à merveille des techniques de manipulation de l’opinion et d’amalgame idéologique pratiquées par les lobbyistes.

Dans cette optique, c’est donc une parfaite illustration des techniques de désinformation et intéressant à ce niveau.

En l’occurrence, la question de fond n’est toujours pas abordée...


Où réside la dangerosité des OGM, si elle existe, et pourquoi ?

Tout commence avec la théorie chromosomique de l’hérédité et ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui « le mensonge de Morgan »...

Soyons bien clair : il s’agit d’un mensonge par omission, surtout répandu par les disciples et successeurs de Morgan !

Le lemme : « un gène → une protéine → un caractère » est biochimiquement absolument faux !


Morgan, en observateur rigoureux et impartial, avait bien noté lorsqu’il découvrit la mutation w « white » (œil blanc) de la drosophile que le phénotype de l’animal (aspect génétiquement observé) comportait des modifications anatomiques annexes, comme des courbures anormales des ailes ou des modifications de l’implantation et de la taille des poils des pattes... Mais ces « détails » furent « oubliés » par les théoriciens ultérieurs !


La ségrégation du gène w suivait les lois de Mendel, récemment reprises, pour la transmission de l’œil blanc et tout le monde était content... 


Pourtant, on aurait dû déjà alors comprendre ce que l’on sait parfaitement aujourd’hui grâce aux progrès de la biochimie : la modification d’un seul gène (mutation) induit potentiellement toute une série de variations dans la chaîne des synthèses protéiques successives associées à la protéine initialement modifiée par la mutation !


Autrement dit, le schéma n’est pas linéaire mais arborescent : c’est un laticiel...


Mais il est évident que l’ensemble des modifications associées au caractère muté principal, observé effectivement, n’est pas forcément patent, surtout si cela n’intéresse que la physiologie et non l’anatomie ou mieux la morphologie.

En particulier, quand on recherche un caractère spécifique, par exemple une résistance aux herbicides, on va cribler la souche mutante sur ce seul caractère sans tenir compte, si tant est qu’on les décèle, les modifications annexes...

Et c’est pire quand, pour des raisons économiques et stratégiques, on se refuse à les rechercher !


C’est tout le problème de la technologie OGM mise en œuvre sans précautions qui peut conduire, parallèlement et conjointement au résultat recherché, à la formation de substances nouvelles peu ou pas métabolisables susceptibles de se stocker dans l’organisme du consommateur et d’apparaître toxiques à certaines concentrations, donc au bout d’un certain laps de temps...

C’est tout le sujet des expérimentations du professeur Séralini à Caen, très conscient du problème et déjà mis en alerte par des études autrichiennes il y a environ 5 ans...

Et ses travaux ont été poursuivis en secret car le lobby productiviste veille, surtout à Caen où sévit un autre « expert » productiviste de renom : le rhumatologue Jean Louis L’Hirondel, spécialiste ( ?) qui milite depuis 20 ans pour faire abaisser le seuil de tolérance des nitrates dans l’eau potable, surtout en Bretagne ![7]

Évidemment on dira doctement dans « les milieux autorisés » que les résultats de Séralini ne peuvent pas être pris en compte, que ses protocoles expérimentaux sont contestables... Mais à la différence de nombre de ses collègues, peut être plus accommodants sinon moins compétant, Séralini est l’un des rares universitaires professeurs titulaire en biochimie qui soit... un authentique biochimiste ! Il faut le souligner aussi étonnant que cela paraisse !

Le premier argument a été de dire que la taille des lots échantillon était insuffisante : cela tombait bien car Séralini a repris dans ses protocoles, à l’unité près, la taille des échantillons des protocoles de Monsanto !... Raté !

On pourrait continuer longtemps...


Mais il est vrai que l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) est présidée par Diana Banati qui est membre du directoire de l’ISLI lequel regroupe 400 entreprises du lobby (Monsanto, tous les cadors de l’agrochimie et de l’agro-industrie).

On comprend alors que des choses doivent pouvoir s’arranger !

Pourtant, pour cause de conflit d’intérêts, Madame Banati a tout de même fini par être contrainte de démissionner de l’EFSA et de quitter Bruxelles...

Soyez rassurés : elle a aussitôt été recasée par le directoire de Monsanto...

Le lobby sait être reconnaissant !


De tout cela, évidemment Rivière-Wekstein ne parle pas...

Pas plus qu’il ne parle de la mise en œuvre réelle de la technologie OGM : la stérilisation des semences et le désherbage forcé au Round Up. Tout bénéfice pour Monsanto titulaire des brevets, seuls résultats tangibles à ce jour !

Les fameux médicaments liés aux organismes OGM, dont on nous a rebattu les oreilles, sont toujours dans les cartons de projets...

Il n’évoque pas non plus les perspectives apocalyptiques de la politique dictatoriale d’un lobby OGM fondamentalement atlanto sioniste qui, par le brevetage et la stérilisation des semences, prépare pour son seul profit, l’assujettissement des peuples et le chantage mondial à la famine...

« Contrôlez la nourriture et vous contrôlerez le peuple... »

(Henri Kissinger – Testament politique)


Notes :

1 -

http://terrefuture.blog.free.fr/index.php?post/2012/08/23/Productivisme-agricole-%3A-quand-rentabilit%C3%A9-financi%C3%A8re-rime-avec-d%C3%A9laissement-de-la-production-%21

2- www.agriculture-environnement.fr/

3-http://terrefuture.blog.free.fr/index.php?post/2011/03/25/%C2%AB-Bio%2C-fausses-promesses-et-vrai-marketing-%C2%BB-%21

4-http://terrefuture.blog.free.fr/index.php?post/2011/08/12/%C2%AB%C2%A0Lobbying%C2%A0%C2%BB-agricole%C2%A0%3A-D%C3%A9sinformation-ou-endoctrinement%C2%A0-Premi%C3%A8re-partie

http://terrefuture.blog.free.fr/index.php?post/2011/09/14/Lobbying-agricole%2C-d%C3%A9sinformation-et/ou-endoctrinement%C2%A0

5-http://www.agriculture-environnement.fr/spip.php?page=faucheurs-de-science-enquete

6- http://fr.wikipedia.org/wiki/Gilles-%C3%89ric_S%C3%A9ralini

7- http://www.eau-et-rivieres.asso.fr/media/user/File/PDF/ERB_contre_HIRONDEL.pdf