Après les nitrates, voyons les pesticides et les OGM : l’acteur professionnel de la désinformation est ici Gil Rivière-Wekstein ! Celui-ci ne possède aucune référence universitaire connue, aussi le qualifierons-nous de « journaliste » puisqu’il signale qu’il est membre de l’AFJA (Association Française des Journalistes Agricoles) !

C’est le lobbyiste patenté des pesticides et des OGM, grand défenseur du Gaucho et autres tueurs d’abeilles et maintenant le pourfendeur de l’agriculture biologique : il nous a gratifié récemment d’un livre en forme de manifeste vengeur sur la question : « Bio, fausses promesses et vrai marketing », livre auquel nous avons consacré un article. [1] Il a également fondé un cabinet d’études Amos Prospective, et il publie une lettre mensuelle de lobbying productiviste : « agriculture et environnement ».[2] Et comme Chrisitan Buson, il a ses cautions et ses parrains....

D’abord Jean de Kervasdoué, agronome ancien de Grignon devenu économiste, ancien directeur général des hôpitaux, ardent adepte du productivisme, c’est le promoteur des OGM dans l’équipe, pourfendeur du principe de précaution qu’il a déclaré refuser de voir inscrit dans la Constitution ! C’est un  sectaire non dépourvu d’obsessions inquisitoriales dignes d’un Fouquier-Tinville ! Dans sa préface du bouquin anti-bio de Rivière-Wekstein, il n’hésite pas à proclamer : « Ainsi l’agriculture bio s’enracine dans les courants agrariens de l’entre-deux-guerres et dans les mouvements poujadistes des années cinquante dont on sait qu’ils ont été proches de l’extrême droite. La sélection « naturelle » n’est pas loin de l’eugénisme et des thèses défendues par Alexis Carrel ».

Credo cocasse qui ne manque pas de sel quand on sait combien la sélection la plus impitoyable est la technique de base de l’élevage productiviste ! Et d’ajouter plus loin : « Pourquoi, pour certains, la nature devrait-elle triompher de la culture, autrement dit de la société humaine ? ». Autrement dit, l’environnement n’a aucune justification d’être, puisque lanature « doit » laisser place à la culture, donc à l’artificiel, au néo créé... comme la sélection productiviste et la standardisation agricole par exemple... Du « fascisme » à l’état pur si on y réfléchit bien, ce qui peut surprendre pour un homme qui se veut de gauche et cite Jaurès mais n’en est visiblement pas à une contradiction près !

Ensuite, le docteur Jean-Louis Thillier, présenté comme consultant scientifique indépendant, ancien directeur du laboratoire de recherche de physiopathologie digestive du service de médecine interne et d'hépato-gastro-entérologie du CHU de Tours. Il est aujourd’hui expert judiciaire européen et « spécialiste des questions relatives à la sécurité sanitaire » ! Rien que cela ! Celui là, s’il n’est pas rhumatologue, a pourtant aussi des démonstrations, nous le verrons, parfois... inattendues ! On le retrouvera même auto-bombardé « généticien et  immuno-pathologiste » lors de la dernière crise de la grippe aviaire. [3]

Son apostolat est clair : défendre tout ce qui se fait en matière de productivisme, surtout le pire, et agir pour faire modifier au niveau européen les règlements sanitaires, afin de les rendre compatibles avec les tolérances souhaitées par le lobby, et rendre sans objet réglementaire les risques dénoncés ! Ses combats actuels : ouvrir l’Europe aux OGM, empêcher à tout prix le retrait - pourtant clairement  souhaité par Bruxelles - des spécialités phytosanitaires les plus toxiques, et surtout, remettre à l’ordre du jour  l’utilisation des « farines animales » ![4]

Pour Jean Louis Thillier, la question des « farines » est simple : c’est une affaire d’appellation et de communication (sic). Il fallait y penser, car il s’agit surtout d’une question économique !

Les directives européennes ont restructuré l’équarrissage artisanal local pour des raisons dites sanitaires, bonnes ou mauvaises il y plus de 20 ans. Aujourd’hui cette activité est concentrée essentiellement entre les mains d’un groupe international, la SARIA, et des établissements Caillaud. Numéro deux de l’activité, devenu filiale du groupe belge Tessenderlo, Caillaud, rebaptisé Akiolis, se diversifie aujourd’hui dans la valorisation des déchets tant végétaux qu’animaux.

Mais que recouvre l’équarrissage ?

La collecte, l’acheminement et l’élimination de plus de 500 000 tonnes de cadavres par an !

Durant des années on a pratiqué, par le biais d’unités colossales et fort coûteuses, la transformation automatisée de ces cadavres en farines animales... L’incorporation de ces farines - déjà largement utilisées pour la nourriture des poissons, des porcs et des volailles – à la nourriture des élevages intensifs laitiers , cela pour obtenir le nécessaire complément protéique indispensable à la physiologie d’une lactation aussi intense. Si elle avait amené un débat éthique sur la nutrition des herbivores par des éléments carnés, avait surtout conduit à l’incrimination de cette pratique dans la contamination par le prion, à l’encéphalite spongiforme bovine (ESB, la fameuse « vache folle »)... L’incorporation de ces farines dans l’alimentation des herbivores fut alors proscrite !

Survint alors un grave problème d'écoulement ! Durant des années on a, installations obligent, continué à conditionner les cadavres en farines sans pouvoir les écouler... Les entreposer et les brûler coûtait une fortune... Ainsi, faute de capacité de valorisation, Caillaud/Akiolis, avait fini par abandonner son projet d’usine d’incinération à Challans, puis avait restructuré ses activités, avait passé des accords avec le groupe concurrent Saria et s’était replié en Normandie après échange de zones : le ramassage dans la basse Seine étant assuré jusque là par la Saria...[5]

On comprend dès lors que sous divers prétextes, les lobbyistes cherchent par tous les moyens à retrouver des débouchés aux farines animales... et emploient pour ce faire, la même technique si porteuse de la désinformation sous couvert scientifique.

Thillier frappe donc un grand coup et énonce « doctement » : « Les PAT et farines animales pourront être utilisées en priorité chez les poissons, qui ont la capacité de décontaminer le prion au niveau de leur tube digestif, et chez les volailles, qui sont insensibles aux prions des encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST) des ruminants. C’est d’autant plus important que les volailles ont un besoin physiologique naturel en protéines animales… en effet, dans la nature, les deux tiers de leur alimentation proviennent d’insectes, d’escargots, de limaces, de vers de terre et même de vipères. Ensuite, les PAT et farines animales pourront être utilisées pour l’élevage industriel des porcs à durée de vie courte. Les farines animales pourront éventuellement servir de complément à l’alimentation des vaches laitières. Les protéines apportées par les farines animales sont en effet mieux absorbées que les protéines d’origine végétale, car un bovin n’est pas un « herbivore » au sens propre du terme. N’étant pas capable de digérer les végétaux, il les accumule d’abord dans son rumen, volumineuse poche située avant l’estomac, où des micro-organismes les digèrent. Ce sont ces micro-organismes – bel et bien des protéines animales – qui prolifèrent pour être absorbés par l’estomac. Ces protéines animales sont ensuite facilement digérées en peptides et assimilées par le tube digestif ».[6]

Formidable non ? C’est fou ce qu’un médecin peut nous apprendre en dix lignes ! Nous apprenons d’abord que les volailles - rappelons pour commencer que « volaille » est une appellation de commerce et de cuisine qui désigne les animaux souvent d’élevage, à plume mais aussi à poil, aussi divers que des Gallinacés, des Palmipèdes, ou même... les lapins et non pas une désignation zoologique - se nourrissent habituellement de vipères ! Des perdrix herpétologues, c’est une chance pour les batraciens, les orvets et... les couleuvres, non ? À tout hasard on pourrait préciser par exemple au docteur Thillier que les Palmipèdes en général ont une alimentation quasi exclusivement végétale, parfois granivore, mais majoritairement herbacée à l’état naturel (sauf quelques espèces marines spécifiquement consommatrices de crustacés mollusques et petits poissons). Les Ansériformes en particulier sont herbivores jusqu’à 100% ! Mais peut être n’a-t-il jamais vu d’oie ?

Ensuite nous apprenons que les ruminants ne sont pas des herbivores ! Scoop du millénaire certes, cette affirmation péremptoire nécessite tout de même une petite démonstration qui se résume ainsi, si je suis bien la pensée du maître telle qu’il l’énonce : Les ruminants étant, incapables de digérer les végétaux, les font digérer par des micro-organismes dans le rumen. Du coup ces micro organismes prolifèrent et c’est cette culture naturelle interne de micro organismes qui constitue la nourriture effectivement digérée par les bovins. Or ces micro organismes étant composés de protéines animales, par conséquent le bovidé est... carnivore !

Non, vous ne rêvez pas, c’est bien ce qui est écrit ! À ce stade, on ne parle même plus de stupidité, mais de délire obsessionnel ! Cependant ce délire de justification, sur le fond, n’est pas nouveau : lors de l’affaire de la vache folle où la question de la nutrition carnée des vaches était évoquée, il s’était trouvé une professeure de Maisons-Alfort (effectivement promise là à un grand avenir puisqu’elle y est aujourd’hui directrice !) pour énoncer gravement sur les ondes : « La plupart des ruminants sauvages mangent la délivrance à la mise bas, ce qui montre bien qu’ils sont carnivores » (sic) !

Essayer d’expliquer à ces gens-là ce qu’est le réflexe comportemental instinctuel et atavique constaté chez la plupart des animaux, de l’escamotage des délivrances afin d’éviter de signaler aux prédateurs la présence d’un petit, est certainement sans espoir. Ingérer une fois par an une délivrance n’est pas exactement un mode de nutrition habituel ! Gageons que ceux d’entre eux qui connaissent l’existence du Highland Cattle – ce merveilleux petit bovidé écossais, grand amateur de prairies marécageuses, qui recouvre ses nouveaux-nés de tiges soigneusement cueillies et de branchages coupés pour les masquer aux éventuels prédateurs – doivent supposer qu’il est apparenté au castor...

L’outrance est telle que l’on pourrait espérer qu’une démonstration aussi incongrue déconsidérerait définitivement son auteur et lui retirerait toute audience... Hélas cela ne semble pas être le cas !

Par ailleurs il est vrai que la digestion des végétaux est effectivement toujours difficile. C’est une constante dans la série animale et l’anatomie comparée nous en fournit des illustrations saisissantes : la longueur de l’intestin du bœuf peut atteindre 50 m, celle du mouton plus de 30 m, celle de l’éléphant 25 m, alors qu’elle ne dépasse pas 5 m pour le tigre ! Sans nous lancer dans un exposé sur la rumination qui n’a pas sa place ici, il suffit de rappeler que la fameuse microfaune symbiotique évoquée, agit en effet pour dégrader les grosses molécules, notamment cellulosiques, comme le font les flagellés hypermastigines des termites par exemple... Mais on observe surtout chez les ruminants des bactéries anaérobies, (jusqu’à plus de 10 milliards par litre de contenu du rumen) mais aussi des protozoaires, etc. Sous l’influence des quelques 200 litres de salive secrétés en une journée de rumination, le contenu ruminé est imprégné d’enzymes qui hydrolysent les grosses molécules, etc. À l’arrivée, l’assimilation des produits concerne des fragments à courte chaîne et les produits peptidiques dont certains, néoformés, issus de l’activité des fermentations bactériennes. Tous ces produits sont évidemment d’origine végétale et la flore microbienne n’intervient alors que comme « facteur de transformation » et non pas comme aliment !

Ce qui nourrit le ruminant, c’est le résultat de la transformation des végétaux sous l’influence des enzymes salivaires et des fermentations micro organiques et non pas de la prolifération de ces micro-organismes ! Soulignons en outre qu’aucun organisme ne se nourrit exclusivement de protéines et que les fameux micro-organismes ne sont pas composés exclusivement loin s’en faut de protéines animales !Affirmer le contraire est sans fondement : c’est une contre vérité aussi flagrante que grotesque qui va à l’encontre de toutes les observations scientifiques reconnues !

Enfin, dernière preuve, et non des moindres, de l’absurdité des théories de Thillier, le fait suivant : si le résultat de cette activité symbiotique était si « facilement absorbée par le tube digestif » (sic), l’intestin n’aurait pas une telle longueur ! La comparaison effectuée ci-dessus avec les non ruminants cités l’illustre bien… Mais que ne ferait-on pas pour essayer de justifier l’ingestion forcée d’éléments d’origine carnée dans l’alimentation des ruminants, histoire de relancer l’utilisation de ces fameuses farines, toujours fabriquées, qui coûtent si cher à détruire, et de rentabiliser ainsi l’industrie du recyclage des déchets animaux?

A ce stade, ce n’est même plus de la désinformation : c’est bien de l’endoctrinement ! Une surveillance quotidienne et une dénonciation systématique s’imposent : il y va tant de notre santé que de la sauvegarde de l’environnement si délégitimé par la « culture »  chère à Jean de Kervasdoué et à ses confrères en science intéressée... Reste que le productivisme produits des résultats bien difficilement justifiables...

La pollution bretonne et le risque mortel qu’elle présente, avéré aujourd’hui, consécutive aux inconséquences du lobby porcin, n’en est qu’une des plus visibles et récentes illustrations, un des plus beaux résultats de cette « victoire de la Culture sur la Nature » ! De l’homme sur son environnement… 

Le lobbying productiviste a décidément encore de beaux jours devant lui ! Les catastrophes liées aux pratiques avérées dangereuses qu’il s’entête à prôner également... et le risque de contamination épidémiologique par des agents divers issus de ces farines a fortiori !

 

Claude Timmerman

10 août  2011

 

Notes :

  1. http://terrefuture.blog.free.fr/index.php?post/2011/03/25/%C2%AB-Bio%2C-fausses-promesses-et-vrai-marketing-%C2%BB-%21
  2. http://www.agriculture-environnement.fr
  3. http://www.transrural-initiatives.org/numero-311-330/Dossier%20grippe%20aviaire%20-%20318%20.pdf
  4. http://www.agriculture-environnement.fr/spip.php?article751
  5. http://www.usinenouvelle.com/article/caillaud-pas-de-transfert-de-l-usine-a-challans.N20440
  6. http://www.agriculture-environnement.fr/spip.php?article742