En matière d’identité ou de reconnaissance sexuelle, les normes sociales et éducatives respectaient jusqu'à il y a quelques années une règle naturelle, soutenues en cela par les diverses églises, qu’elles soient catholique, juive, ou musulmane.

Il y avait des mâles et des femelles, et de cette dichotomie découlaient des caractéristiques et des normes spécifiques à chaque sexe. Les choses paraissaient simples, même si le déterminisme génétique pouvait être influencé voire modifié, par l’intervention de facteurs internes ou externes.

Ainsi pouvait-on définir sommairement « un paysage sexuel » ou mâles et femelles étaient situés aux deux extrémités d’un segment dont le centre était représenté par un « marais sexuel » aux inclinaisons mal définies. Ce schéma simple permet de situer toutes les nuances qui peuvent exister entre un individu 100 % mâle est un individu 100 % femelle, situés l’un et l’autre à chaque extrémité de ce segment.

Mais depuis quelques années, en France, cette notion de déterminisme sexuel d’origine biologique est remise en cause par certains intellectuels, que vraisemblablement le concept dérange. Il est de bon ton de penser que la différence entre les hommes et les femmes, n’est qu’un concept social dû à une asymétrie d’éducation entre les garçons et les filles.

Pourtant dès la conception de l’embryon les chromosomes définissent le sexe à venir : XX pour les filles et XY pour les garçons, même si des accidents lors de la formation des gamètes peuvent entraîner une conformation anormale des chromosomes sexuels du fœtus, comme par exemple l’hermaphrodisme XXY, qui se traduira par un aspect physique associant des attributs plus ou moins marqués des deux sexes. Ces cas sont très rares, et dans l’immense majorité des cas le déterminisme génétique s’accompagne d’un développement physique typique de l’un ou de l’autre sexe.

Le développement physique des organes génitaux et la morphologie générale de l’individu sont le résultat de l’action des hormones sexuelles, sécrétées par les ovaires si le génotype correspond à XX, et par les testicules si le génotype correspond à XY. Ces hormones façonnent le corps et permettent le développement des organes sexuels de manière différente selon qu’on est génétiquement mâle ou femelle.

Très schématiquement le mâle sécrète principalement des androgènes, la testostérone, et la femelle des œstrogènes et de la progestérone.

Ces hormones ne se contentent pas de façonner l’aspect extérieur de notre corps, elles influencent aussi notre comportement. On connaît l’action stimulante de la testostérone tant sur le plan sexuel que général, aussi bien chez les hommes que chez les femmes, et l’on connaît aussi les modifications de l’humeur que peuvent connaître certaines femmes à l’approche de leurs règles lorsque le taux hormonal chute brutalement.

L’effet des hormones ne se résume bien sur pas à ces exemples simplistes. Il est beaucoup plus complexe.

Il faut savoir que dans certains cas la testostérone peut être transformée en œstradiol (hormone femelle) par certains neurones pour stimuler des zones bien précises du cerveau, et que les androgènes (testostérone et dérivés) et les stéroïdes ovariens ne sont pas les seules hormones à agir à ce niveau.

Nous ne pouvons y échapper, et que nous le voulions ou non nous sommes soumis aux effets de ces hormones sur notre corps et sur notre cerveau.

De même, on ne saurait nier, que le milieu social, intellectuel et affectif dans lequel évolue l’individu influence son comportement général et sexuel.

Cependant, s’il est naïf de croire que le déterminisme génétique suffit à tout expliquer, il est aussi stupide de penser, comme le soutenaient les adeptes du constructivisme, que tout est socialement construit et que rien n’est déterminé par la nature des choses.

Certes on peut être tenté de renier un acquis biologique contraignant, en le ramenant à une construction sociale dont on serait la victime, mais estimer que le sexe, en tant que conséquence d’un destin génétique, peut être remplacé par le genre, produit de conventions sociales, est une aberration qui ignore volontairement l’inné et ses conséquences biologiques, pour ne considérer que l’acquis dans l’élaboration d’une personnalité masculine ou féminine.

C’est l’addition de toutes ces influences, génétiques, hormonales, sociales, affectives, qui permettent de façonner les individus que nous sommes et notre identité sexuelle.

On peut bien sûr trouver des arguments pour démontrer que chacun de nous est ambiguë, et si l’on arrive à considérer que tout individu est à 50 % homme et à 50 % femme, il est alors facile de prétendre que le choix final ne dépend plus que de la volonté de l’être et de la conceptualisation sociale que l’on se fait du sexe.

On pourrait admettre cette notion si l’on considérait que seuls les facteurs sociaux ont une influence déterminante, mais sûrement pas si l’on tient compte de la biologie.

Une autre grande différence fondamentale entre le mâle et la femelle, qui ne doit rien aux critères socioculturels, réside dans la gestation du fœtus, dont le rôle est uniquement dévolu à la femelle chez toutes les espèces de mammifères. Ce déterminisme génétique dans l’attribution de la maternité à l’un des deux sexes entraîne lors de la grossesse toute une cascade de sécrétions hormonales, qui façonnent les sentiments affectifs et sociaux spécifiques à la mère vis-à-vis de son nouveau-né et de son entourage.

L’homme n’y a pas droit, quel que puisse être son désir de vouloir se substituer à la mère dans l’élevage de l’enfant. Ces différences entre le mâle et la femelle vont déterminer des attitudes comportementales propres à chaque sexe, que l’on adaptera ensuite à son milieu en fonction de sa culture, de son acquis social.

Si l’on voulait se contenter du rôle élémentaire de chaque sexe, (comme on l’observe chez l’animal : gestation, allaitement, élevage pour la femelle et défense ou acquisition du territoire pour le mâle), pour en tirer une ligne de conduite pour l’homme, ce serait faire abstraction de tout acquis civilisationnel et culturel, mais on ne peut pas dire non plus qu’il n’y a pas de sexe et qu’il n’y a que des genres.

Genre que certains remettent déjà en cause en essayant de développer un concept social ou le masculin et le féminin n’existerait plus, au profit d’un genre neutre.

Je ne pense pas que ce type d’expérimentation puisse aller bien loin tant elle est contraire aux données fondamentales de la biologie et de nos civilisations. Mais cependant j’ai lu très récemment qu’en Suède, certaines écoles avaient décidé de ne plus faire référence au genre, et encore moins au sexe, désignant ainsi tous les élèves par un terme asexué, qu’ils soient filles ou garçons. Comme si l’indifférenciation était en soi un progrès, et si comme, écrit Denis Tillinac dans un article en 2011, « le village planétaire devait à terme être peuplé d’androgynes. Comme si la dialectique infiniment subtile des liens entre un homme et une femme, entre un enfant et son père ou sa mère, devait se réduire aux acquêts sommaires d’une confrontation banalisée d’individus interchangeables ».

Faut-il supprimer les sexes ? Faut-il ne parler que de genres en niant les sexes ? Faut-il comme le suggèrent certains, renier même les genres pour établir un « neutre », seul garant à leurs yeux de l’égalité qui doit régner entre les êtres humains ?

Tout cela parait bien naïf, et fait abstraction des règles biologiques qui nous régissent, au risque même de faire abstraction du respect que l’on doit à l’autre du simple fait de sa différence.

Dr. J-M Lacroix

23/10/2012