L'eau en Asie du Sud : confrontation ou coopération ?

Préface de Xavier de Villepin*

Les services américains de renseignement (National Intelligence Council) viennent de publier les grandes tendances globales pour 2025. Pour eux, à cette époque, le monde sera multipolaire. Les Etats-Unis resteront à la première place mais d’autres puissances apparaîtront comme la Chine, l’Inde et la Russie, n’ayant peut-être pas la volonté de partager des responsabilités sur des sujets comme le terrorisme ou la prolifération.

Ce nouveau monde émergent sera probablement moins homogène. Les questions de climat, d’énergie et de rareté des ressources deviendront primordiales. Les changements climatiques compliqueront encore l’accès à l’eau et aux produits agricoles. Les défis et menaces grandiront particulièrement dans la zone Irak, Iran, Afghanistan, Pakistan. L’Organisation mondiale de la santé estime que 900 millions de personnes ne disposeraient pas d’eau potable. Dans les statistiques, l’Afrique au sud du Sahara est mal placée mais le problème de l’eau et de l’assainissement touche aussi largement l’Asie.

Dans son livre L’eau en Asie du Sud : confrontation ou coopération ?, le général Alain Lamballe nous éclaire sur le sujet grâce à sa connaissance profonde du terrain et à une documentation collectée depuis 1965. Saint-Cyrien, docteur en sociologie politique, diplômé en hindi et ourdou de l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales, il fait partie d’Asie 21, équipe de chercheurs rattachée au groupe Futuribles. Ancien attaché militaire en Inde, au Népal, au Pakistan, au Sri Lanka et aux Maldives, il a dirigé le séminaire Asie du Sud au Collège interarmées de défense.

Dans un livre précédent, Insurrections et terrorisme en Asie du Sud, le général Lamballe dans sa sagesse nous a prévenus. « Les terroristes quels qu’ils puissent être, hindous, musulmans ou chrétiens, n’ont aucun scrupule. Leur imagination ne connaît aucune limite. A l’avenir de nouvelles formes dévastatrices d’attaque peuvent apparaître comme la destruction de grands barrages, d’usines chimiques et pharmaceutiques et de centrales nucléaires. Les cours d’eau et les aliments pourraient être contaminés. Sur les mers qui bordent l’Asie du Sud, des attaques contre des bateaux dangereux, comme des pétroliers géants, pourraient être menées à l’avenir par des organisations terroristes et causer des dommages humains et environnementaux énormes sur les côtes ». Après ce qui vient de se passer à Mumbai, en Inde, en direct sur les télévisions du monde, personne ne peut douter de la qualité, hélas, de cette conclusion.

Il faut donc lire et écouter le général Alain Lamballe. Je le fais par amitié mais aussi par souci de comprendre ce monde violent, dangereux, différent de nos intuitions.

Dans son honnêteté d’officier, dans sa simplicité et sa modestie d’homme, l’auteur ne cherche pas à nous faire peur où à placer en exergue le sensationnel. Il cherche à analyser et faire comprendre avec prudence l’avenir. Je le cite encore avec admiration. « Des émeutes de l’eau se sont produites ici et là sans gravité jusqu’à présent. Elles n’en sont pas moins inquiétantes car elles constituent peut-être des signes prémonitoires … Des heurts entre communautés tribales ont eu lieu au Rajasthan en 2007 … Des pénuries d’eau ont frappé plusieurs années de suite … Les riches paysans ont alors mobilisé des hommes de main pour détourner le peu d’eau disponible au profit de leurs champs. La force a été utilisée pour empêcher les paysans pauvres de réagir. La colère gronde dans les périodes de pénurie. Les conditions sont réunies pour que les tensions dégénèrent. Des protestations violentes pourraient devenir plus fréquentes dans les campagnes comme dans les villes ».

*Sénateur honoraire, Ancien président de la Commission des Affaires Etrangères, de la Défense et des Forces Armées.

L'Asie du Sud bénéficie d'un gigantesque château d'eau constitué par le plateau tibétain et la chaîne himalayenne et d'un autre plus modeste au Deccan. Mais la répartition des ressources hydrauliques est très inégale. L'accroissement démographique, l'urbanisation, le développement de l'irrigation et l'industrialisation engendrent des besoins en eau de plus en plus grands. Parce qu'elle est surabondante ou rare et parfois polluée, l'eau tue plus que les accidents, les insurrections et les guerres. En Inde comme au Pakistan, les gouvernements ont bien du mal à apaiser de vives tensions entre les provinces et au sein de celles-ci.

A ces différends internes s'ajoutent des litiges internationaux car les grands fleuves Indus, Gange, Brahmapoutre et leurs affluents traversent plusieurs pays. Des accords bilatéraux ont été conclus par l'Inde avec ses voisins, le Pakistan et le Bangladesh, pays aval, le Népal et le Bhoutan, pays amont, mais ils sont parfois remis en question. Une approche régionale s'impose, incluant la Chine d'où sont originaires l'Indus et le Brahmapoutre et des affluents du Gange.

Saint-Cyrien, docteur en sociologie politique, diplômé en hindi et ourdou de l'Institut national des langues et civilisations orientales, le général (cadre de réserve) Alain Lamballe fait partie d’Asie 21, équipe de chercheurs rattachée au groupe Futuribles. Il a été attaché militaire en Inde, au Népal, au Pakistan, au Sri Lanka et aux Maldives et a dirigé le séminaire Asie du Sud au Collège interarmées de défense. II s'intéresse particulièrement aux problèmes conflictuels dont ceux qui concernent l'eau. Il est l'auteur de deux ouvrages, Le problème tamoul à Sri Lanka (L'Harmattan, 1985) et Insurrections et terrorisme en Asie du Sud (éditions es-stratégies, 2008) ainsi que de nombreux articles sur l’Asie du Sud.

Illustration de couverture : Barrage de Talakalale, près des chutes de Jogg (Jogg falls), sur la rivière Sharavathi, dans l'Etat du Karnataka (Inde).

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