Nous mangeons tous de plus en plus de viande et personnellement je n’échappe pas à la règle. C’est sans doute un bien, mais c’est aussi sûrement un mal, pour notre santé et celle de la planète ! L’élevage aujourd’hui sur-industrialisé est en effet l’une des causes de notre mal-être, une dérive dont nous sommes finalement tous un peu responsables ! Par exemple, la nappe phréatique bretonne est entièrement polluée par les nitrates et dans une moindre mesure presque toute la France ; la Hollande elle, s’enfonce littéralement sous le poids des lisiers accumulés ; quant à la grippe aviaire, qui constitue une menace toujours actuelle, elle est née et prospère dans les élevages géants de la Chine et d’Asie.

Chacun, c’est bien connu, voit midi à sa porte et ainsi continue à ne voir, la plupart du temps que son intérêt immédiat sans se rendre compte que les méthodes agriculturales modernes ont un coût écologique de plus en plus insupportable à échelle globale.

Il est vrai qu’à une époque où tout est mis sous forme de chiffres et de statistiques, personne ne nous dit qu’il faut une énorme dépense d’énergie pour produire toutes ces marchandises luxueusement présentées en barquettes plastifiées ou sous papier d’aluminium sur les rayons de nos grandes surfaces. Le polystyrène comme tous les plastiques est un dérivé de l’industrie pétrolière et le papier alu est produit par la conversion de la bauxite dans des fours à arc énergétiquement voraces. Le temps n’est plus où le veau tétait au pi, sous sa mère, et où le boucher abattait et détaillait lui-même ses bêtes. L’alimentation animale en granulés n’existait pas, ni les chaînes du froid, les transports frigorifiques et les usines avec leurs ateliers de découpe et de conditionnement. À l’arrivée, transporter nos aliments d’un bout à l’autre de la planète par voie aérienne ou maritime (des millions de carcasses de moutons arrivent chaque année par cargos depuis l’Australie et la Nouvelle Zélande dont les exportations sont bien plus dévastatrices pour nos propres troupeaux que ne le sont quelques malheureux ours slovènes !) représente une extravagante débauche énergétique.

Sachons à ce propos qu’un kilo de veau équivaut à un trajet automobile de 220 Km ! L’agneau : 180 Km, le bœuf : 70 Km et le porc : 30 ! Comme la population mondiale augmente sans cesse (6,5 milliards dont 750 millions de moins de 17 ans sur le seul continent africain), qu’elle s’industrialise et aligne ses modes de consommation sur l’Occident, la demande augmentant, l’offre suit : 17 milliards de poulets, 1,8 milliard de moutons et de chèvres, 1,4 milliard de bovins, 1 milliard de cochons et 1 milliard de canards et beaucoup d’autres espèces consommées ici et ailleurs : dindes, chameaux, saumons, chiens (nous ne parlons pas des chiens animaux de compagnies mais des chiens à manger asiatiques)… Tous cheptels gavés d’aliments synthétiques ( à ce propos, l’on s’est rendu compte que la dissémination de l’agent viral de la grippe aviaire ne suivait pas les voies migratoires des oiseaux sauvages, mais les circuits de commercialisation d’aliments pour volailles !) dont les déjections deviennent un problème à part entière ; les élevages concentrationnaires de saumons gavés d’antibiotiques détruisent la vie marine dans leur zone d’installation, etc, la liste serait trop longue.

Alors mangeons-nous trop de produits carnés ? Depuis la seconde guerre mondiale la consommation mondiale a été multipliée par 5 et les pays émergents ne sont pas en reste : au cours de la dernière décennie le milliard et demi de chinois ont multiplié par 4 leur consommation de viande et le milliard d’indiens (dont une majorité hindouiste reste strictement végétarienne) l’a doublée ! Or, sachant que 18 Kg de protéines végétales sont nécessaires pour fabriquer 1 Kg de viande de bœuf, la production industrielle exige des surfaces cultivées de plus en plus vastes : 29 % de la surface terrestre sont ainsi dévolus aux pâturages et aux cultures fourragères. La forêt amazonienne, l’un des poumons de la planète, disparaît à un rythme effréné pour laisser place à une culture du soja presque exclusivement destinée à l’alimentation animale. Le soja qui a envahi le continent Sud Américain occupe aujourd’hui quelque 40 millions d’hectares au Brésil, en Argentine, au Paraguay et en Bolivie essentiellement au profit des bovins européens et chinois !!

Une industrie du tourteau qui ne profite guère aux petits producteurs car le secteur du soja relève de cette économie financiarisée dégageant de fantastiques plus-values avec un retour sur investissement allant jusqu’à 50% l’an ! Les forêts rasées, les terres épuisées, les capitaux s’envoleront alors (comme un vol de criquets pèlerins) vers d’autres secteurs plus rentables à piller à leur tour. Bref, nous sommes à rebours de ce développement durable tant vanté dont tous ne parlent que pour évoquer la fables climatique.

Au total une agriculture qui ne se préoccupe pas vraiment de lendemains qui forcément ne chanteront pas, même si aujourd’hui en France quelques-uns commencent à prendre au sérieux ces questions et notamment à se préoccuper d’avantage de la culture extensive du maïs, lui aussi produit pour l’alimentation animale, qui épuise nos ressources aquifères (nappes et cours d’eau), nos sols et nos ressources naturelles de façon générale, par l’usage abusif des intrants agricoles (produits phytosanitaires et engrais) et une mécanisation de plus en plus lourde. En vérité nous le savons bien et nous pressentons les ennuis à venir, mais dans les faits, il est plus commode de faire semblant de ne rien savoir.

Jean-Michel Vernochet