Un peu partout dans le monde, la grande distribution barbouille les emballages de ses fabrications usinées, de bulles faisant la promotion des phytostérols, nébécols et autres oméga-3 [1] lesquels participent au bon fonctionnement du système cardio-vasculaire. Il reste que derrière ce camouflage des acides gras oméga, l’agriculture industrielle est un immense gâchis.

L’élevage intensif est ainsi invité à ajouter au régime standard de ses animaux de forçage, quelques poignées de graines de lin bouillies - de lin ou de colza - sans rien changer aux conditions d’élevage inhumaines et contre nature et sans renoncer aux cultures imprégnées de chimie. Grâce à quoi lait, oeufs et produits laitiers enrichis aux oméga-3 accèdent aux gondoles avec l’imprimatur de « alicament » [3]. Les processus de fabrication industrielle ôtant aux aliments leurs bienfaits [4], à quoi sert-il de se masquer derrière les Esquimaux et les pêcheurs japonais, épargnés, dit-on, par nos maladies coronariennes dont les protègent les oméga-3 de leur alimentation à base de poissons ? Lesquels d’ailleurs sont de plus en plus infectés de métaux lourds, de PCB, de dioxines et de pesticides. L’issue est-elle dans ces laits, beurres, margarines, oeufs, yoghourts industriels “enrichis” dont on nous rebat les oreilles ?

Aux Etats-Unis, une expérience édifiante a été menée dans le Wyoming, au Twin Creek Ranch, sur des veaux élevés en prairies naturelles sans grain ni apports complémentaires chimiques. Il leur faut un an de plus pour atteindre leur poids commercial et ils nécessitent beaucoup plus de soin. Mais, avec le label “omega-3”, ils se vendent très cher. Ainsi autrefois élevait-on les animaux, avant l’imposture de la « révolution verte » ». C’est un choix. Comme l’est celui de s’entêter dans une alimentation industrielle et nocive en se satisfaisant de palliatifs illusoires.

Jusqu’à ce qu’on s’aperçoive, à l’expérience, que les acides essentiels oméga-3 pourraient eux aussi n’être pas la prétendue panacée[4]. Que quelques oméga-3 et phytostérols ne suffiront jamais à effacer complètement les méfaits d’une alimentation déséquilibrée, anarchique et surtout dénaturée ! Que les métaux lourds des océans et les pesticides du sol et de l’air se concentrent également dans les “supplémentations” miraculeuses, qu’elles soient de saumon, de colza ou de lin !

En réalité, c’est toute la filière de vie qui est à reconstruire.

 Notes

1- Ce sont des acides gras polyinsaturés indispensables à l’organisme humain qui ne sait pas les synthétiser.

2- Terme de marketing, formé sur « aliment » et « médicament », désigne un aliment sensé prévenir certaines affections en même temps qu’il nourrit.

3- Les oméga-3 sont des acides gras fragiles qui supportent très mal l’air, la lumière et les températures élevées (même modérées puisqu’ils commencent à « souffrir » dès 40°). Les oméga-3 pour être efficaces doivent rester biologiquement actifs et pour cela ne subir aucun raffinement.

4- D’après plusieurs essais, relevés par la revue Prescrire, la consommation de la margarine enrichie ne réduit la LDL -le mauvais cholestérol- que de 6 à 10%. Ils conseillent donc aux patients indemnes de troubles cardiovasculaires mais soucieux de prévention de privilégier plutôt un régime dit “méditerranéen”, tout aussi efficace. (La Revue Prescrire, novembre 2005, n°266, « Aliments enrichis en phytostérols et phytostanols »)