michelito-lenfant-torero-tue-six-taureaux-L-1.jpgA l'échelon international, l'UNICEF, l'United Nations of International Children's Emergency Fund (Fonds des Nations unies pour l’enfance), est l'une des grandes agences de l'ONU. Né en 1946, il a pour vocation d'assurer à chaque enfant, santé, éducation, égalité et protection. Un programme auquel chacun ne peut qu'adhérer.

L'UNICEF est représenté par des Comités nationaux dans 191 pays, dont bien entendu la France. A l'échelon de la planète, en France, le sort des enfants est sans doute l'un des moins problématiques, même si de légitimes associations exercent une pertinente vigilance.

Mais qu'en est-il du Comité français de l'UNICEF ? A défaut d'exercer une action concrète envers les enfants de France, ce comité a apparemment décidé de considérer l'UNICEF comme l'Union Nationale pour l'Intégration dans la Corrida des Enfants Français. Oui, vous avez bien lu, le comité français soutient expliciment la corrida, et le prosélytisme du mundillo, le petit monde de la corrida, envers les enfants.

Déjà, l'UNICEF-France s'était allié à l'Association des Maires de France pour déclarer en 2006 Villes Amies des Enfants Nîmes (avec son école taurine, sa Féria des Enfants), et ses Graines de Toreros) et Arles (avec son école taurine, sa Féria de los Ninos, et son Passeport pour les Arènes). Ceci était déjà contestable, car on peut s'inquiéter de la culture taurine, qui érige explicitement le matador en modèle identificatoire pour les jeunes, qui glorifie les enfants tueurs de veaux, et qui entraîne donc les enfants à une forme de violence très crue, réelle et non fictive comme beaucoup d'autres. Cette question avait été l'un des points centraux soulevés lors du groupe « Corrida et jeux taurins » des Rencontres Animal & Société, séries de réunions sur la place de l'animal dans la société, organisées par le gouvernement français en 2008.

Mais l'UNICEF-France va plus loin : il tient un stand chaque année à la Féria des Enfants, manifestation qui, sous couvert de motifs écologiques et ludiques, accompagne en mai la Féria de la Pentecôte de Nîmes. En mai 2009, André Viard, le président de l'Observatoire National des Cultures Taurines, le lobby tauromachique français, écrivait sans ambages : « Il s’agit d’éveiller les plus jeunes à nos traditions pour les aimer, les défendre et plus tard les transmettre. ... Aussi pas de Féria des enfants sans des arènes installées pour l’occasion animées par le Centre de Tauromachie Nîmois ... A noter la participation très active de L’UNICEF ». Le Centre de Tauromachie Nîmois est l'école taurine de Nîmes, qui reçoit des enfants sans limite inférieure d'âge pour leur apprendre à devenir toreros.



En mai 2010, pas moins de 66 taureaux (11 corridas de 6 taureaux) ont été suppliciés durant les 6 jours de la Féria de la Pentecôte à Nîmes. Bien entendu, l'accès des futurs « clients » y était favorisé grâce à des entrées gratuites pour les moins de 6 ans. Et l'UNICEF était encore présent à la Féria des Enfants, qui plus est avec référence au 20ème anniversaire de la signature de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.

L'objet de l'UNICEF est pourtant l'intérêt de l'enfant, et beaucoup considèrent, dans nos sociétés actuelles, que le spectacle de la souffrance infligée gratuitement à un animal est difficilement compatible avec cet intérêt. Rappelons le premier alinéa de l'article 19 de la CIDE : « Les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales »

Il est inutile de rappeler que les corridas consistent à blesser de façon codifiée des taureaux à l'aide de divers instruments de métal, durant vingt minutes pour chaque animal, jusqu'à leur mort. Si elles sont tolérées dans 11 départements du sud de la France, elles sont sanctionnées sur les neuf-dixièmes du territoire par le Code pénal, en tant que « sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux ». Les trois-quarts des Français y sont défavorables, et les deux-tiers des Français, y compris dans les régions concernées, souhaitent leur interdiction pure et simple sur l'ensemble du territoire français. Une proposition de loi co-signée par plus de 60 députés demande leur abolition.

Mais cette bénédiction de l'UNICEF-France est d'autant plus choquante que nombreux sont ceux qui s'inquiètent des possibles répercussions du spectacle de la corrida sur les hommes, et plus particulièrement sur les enfants.

Ces vingt dernières années, une masse croissante de travaux, notamment anglophones, est venue documenter le lien entre la violence envers les animaux et la violence envers les humains. Certaines études font état plus particulièrement des conséquences chez les enfants ayant assisté à des maltraitances animales, soit en termes subjectifs (bouleversement affectif), soit en termes comportementaux (reproduction de mauvais traitements envers des animaux, mais également envers des humains). Le facteur « culturel » ne saurait à lui seul immuniser les enfants spectateurs, surtout lorsqu'il s'agit d'un fait culturel aussi largement contesté que la corrida. En ce qui concerne le bouleversement affectif, cet effet est documenté par des témoignages de personnes ayant été profondément choquées par le spectacle de la corrida alors qu'elles étaient mineures. Une vingtaine de témoignages écrits nominatifs avaient ainsi été présentés lors des Rencontres Animal & Société de 2008.

En France les mineurs sont protégés des spectacles violents : signalétique obligatoire définie par le CSA, règlementation de l'accès aux salles de cinéma, art. 227-24 du Code pénal punissant tout « message à caractère violent » lorsqu'il est « susceptible d'être vu ou perçu par un mineur. » Ainsi, en toute logique, au-delà de la dérogation territoriale, l'accès des arènes devrait être interdit aux mineurs.

Une proposition de loi spécifique, visant à interdire l'accès aux courses de taureaux aux mineurs de quinze ans, a été déposée en septembre 2007 par trois députés, rejoints par d'autres. Et une vingtaine de parlementaires de diverses couleurs ont sous l'actuelle législature posé des questions écrites au Ministère de l'Intérieur ou de la Justice, pour soulever le problème de l'accès aux arènes des moins de 15 ou 16 ans.

A l'occasion du débat parlementaire qui a abouti à la suppression des corridas en Catalogne espagnole en juillet dernier, une lettre attirant l'attention des députés catalans sur cet aspect avait été co-signée par 275 professionnels et universitaires de plusieurs pays, dans les domaines des sciences sociales, humaines, médicales et juridiques. On peut en consulter la liste sur le site du collectif PROU, qui a été à l'origine de cette initiative législative.

Enfin, en France, un collectif de 75 psychiatres et psychologues demande que les moins de seize ans n'aient plus accès aux corridas.



Cet engagement de l'UNICEF-France pourrait être une simple initiative locale de l'antenne du Gard. Mais il y a déjà plusieurs années que la commission Protection de la Jeunesse de la Fédération des Luttes pour l'Abolition des Corridas a alerté en vain la direction nationale. Et des professionnels des deux collectifs ci-dessus ont sollicité ces deux dernières années des explications, par courriers et par demandes de rendez-vous, au président d'UNICEF-France, Jacques Hintzy, et à son Directeur général, Gérard Bocquenet. Sans jamais obtenir de réponse.

Décidément, la France donne parfois une image d'elle peu reluisante. Qu'en penseraient les instances internationales de l'UNICEF à New York ou à Genève ?

http://www.lepost.fr/article/2010/11/06/2295272_l-unicef-france-et-la-promotion-de-la-corrida-aupres-des-enfants.html