sommaire-630010.jpg On les présente comme des fleurons du terroir français, ils sentent bon la tradition et le savoir-faire ancestral de nos artisans ou de nos agriculteurs. Mais quand on se penche sur leur origine, on découvre que leur appellation se révèle douteuse, voire complètement bidon. Produits importés, habile détournement de la législation, nom prêtant à confusion… voici des produits du terroir qui ne sont pas si authentiques que leurs producteurs voudraient vous le faire croire.

La moutarde de Dijon vient du Canada

La moutarde de Dijon joue volontiers le couplet de l’authenticité pour se vendre. Mais à y regarder de plus près, si le précieux condiment est bien préparé en Bourgogne, son ingrédient principal, la graine de moutarde, n’a rien de tricolore. En effet, les moutardiers français transforment une graine de moutarde qu’ils importent du Canada à plus de 80% et des pays de l’Est. Qui plus est, l’appellation Moutarde de Dijon n’est même pas protégée. En somme, on peut produire de la moutarde sous ce nom dans le monde entier, à condition de respecter des règles déterminées par décret en 1937 : un extrait de 28% minimum d’extrait sec (graines noires ou brunes, sel et épices) et un maximum de 2% de téguments (résidus de l’enveloppe de la graine).

Les champignons de Paris viennent surtout de Chine

Il y a belle lurette qu’on n’élève plus de champignons de Paris en Ile de France. Ceux que nous consommons aujourd’hui proviennent dans leur immense majorité de Chine, des Etats-Unis ou des Pays-Bas. En effet, le champignon de Paris n’est pas une appellation et il est devenu au fil du temps un nom générique pour désigner une espèce réclamée par les consommateurs du monde entier. La Chine avec ses 10 millions d’éleveurs domine ce marché des champignons dits de Paris avec 70% de la production mondiale. En France on le cultive désormais dans la région de Saumur. Mais notre production (140 000 tonnes par an) ne pèse plus très lourd face aux 240 000 tonnes hollandaises, 220 000 tonnes polonaises et 300 000 tonnes américaines.

La charcuterie corse n’est quasiment jamais corse

Prisuttu, coppa, figatellu… difficile de ne pas succomber à ces charcuteries corses. Difficile aussi d’en trouver d’authentiques. En effet, la charcuterie corse ne dispose d’aucune « appellation d’origine contrôlée ». Comme la demande est très supérieure à l’offre, les industriels s’en donnent à cœur joie. Rien qu’en Corse, 11 000 tonnes de charcuterie estampillée d’une tête de Maure sont vendues chaque année. Mais les éleveurs traditionnels ne captent que 10% de ce marché, et pour cause, ils ne sont pas assez nombreux pour produire plus de 1 000 tonnes. Les 10 000 tonnes restantes sont de la fausse charcuterie corse, dont la viande importée est au mieux transformée sur l’île et au pire issue d’élevages lointains.

Le melon charentais n’a de charentais que le nom

Le melon charentais est un faux ami. Jaune ou vert, il ne se cultive pas seulement en Charente. Car contrairement à celui de Cavaillon, il ne possède pas d’AOC. Certes les départements des Deux-Sèvres et de la Vienne en produisent annuellement 55 000 tonnes. Mais sur les étals, l’été, ce melon est concurrencé par d’autres portant le même nom mais en provenance du Sud-ouest et du Sud-Est de la France sans que le consommateur n’en sache rien. Au printemps et à l’automne, il est importé d’Espagne ou du Maroc. Ce dernier pays a d’ailleurs quadruplé sa surface de production en 5 ans, passée de 500 à 2 000 hectares, et doublé ses exportations vers la France, passées de 19 000 à 37 500 tonnes par an.

Le savon de Marseille vient souvent de Chine ou de Turquie

Produit emblématique de la Provence, le savon de Marseille est lui aussi malmené par la mondialisation. Faute d’appellation protégée, il ne reste aux alentours de la cité phocéenne que quelques savonneries à en fabriquer selon le procédé hérité du Moyen-âge. D’autres sociétés de la région qui revendiquent le titre de Maître Savonnier ne sont en fait que des « conditionneurs ». Elles importent du savon d’Asie du Sud-Est qu’elles se contentent de colorer, parfumer et mouler pour le vendre au même prix. Et dans les faits, les plus gros fabricants sont aujourd’hui les Chinois et les Turcs à qui est seulement imposé le respect de la méthode de fabrication, formalisée depuis 2003.

L’escargot de Bourgogne vient surtout de Grèce

L’escargot de Bourgogne n’a de Bourgogne que le nom. En effet, si la France est un des premiers consommateurs mondiaux avec 30 000 tonnes par an, c’est un nain au niveau de la production, avec à peine 1 000 tonnes par an. Les importations d’escargots dits de Bourgogne (il n’existe pas d’appellation protégée) sont donc très importantes et peuvent représenter jusqu’à 90% de notre consommation. Il faut dire que l’espèce est protégée en France depuis 1979 et que son ramassage est interdit une bonne partie de l’année. Du coup, la plupart de ceux consommés en France sont issus de l’élevage dans les Vosges ou en Franche-Comté, lorsqu’ils ne viennent pas de Grèce ou d’Europe centrale.

Le camembert ne vient pas forcément de Normandie

La notoriété du camembert, fromage originaire de Normandie, n’est plus à faire. Au point que son nom est tombé dans le domaine public et que n’importe quel industriel peut en fabriquer où il le souhaite à travers le monde. Chaque année les Français en consomment 120 000 tonnes. Mais tous les camemberts ne se valent pas. Dans les linéaires, c’est un produit volontiers copié. Comme son nom peut être utilisé sans contraintes, de nombreux fabricants entretiennent la confusion avec l’AOC « Camembert de Normandie » qui existe depuis 1983. Ils utilisent volontiers des termes très proches comme « Camembert fabriqué en Normandie ».

Les galettes bretonnes sont fabriquées avec du blé noir chinois

Cet été, ce sont encore des millions de galettes que les crêperies bretonnes vont préparer pour les vacanciers. Mais combien seront fabriqués avec du blé noir breton ou même français. A peine la moitié. Chaque année, on consomme en France environ 8 000 tonnes de sarrazin. Mais la production locale est insuffisante pour faire face à la demande, ce qui entraîne des importations en provenance essentiellement de Chine, de Pologne et du Canada. En effet depuis l’après-guerre, les agriculteurs ont totalement délaissé la culture du blé noir, pas assez rentable au profit d’autres céréales. A tel point qu’au début des années 80, elle avait pratiquement disparu. Ce n’est que depuis une décennie qu’elle a été remise à l’honneur. 4 900 tonnes ont été récoltées en 2008.

Les couteaux Laguiole peuvent venir de Chine

L’abeille (ou la mouche selon les avis), la lame légèrement relevée… Beaucoup pensent que ces caractéristiques attestent de l’authenticité des couteaux Laguiole. Il n’en n’est rien. Il y a 80% de chance pour que le votre provienne de Chine ou du Pakistan, pays ou ils sont fabriqués à la chaîne. En effet, ni la marque, ni l’appellation du plus célèbre des couteaux français n’ont jamais été déposée par les couteliers du bourg aveyronnais. Depuis le début des années 90, c’est Laguiole SA, une entreprise privée qui détient le droit d’exploiter ce nom dans la coutellerie sans que les artisans de Laguiole y puissent quoique ce soit. Si bien que moins de 10% des Laguiole proviendraient de la commune, concurrencée par un autre village français, Thiers, en Auvergne. Les truffes chinoises dérangent celles du Périgord A l’œil nu, impossible de les différencier. Mais dans l’assiette, les saveurs sont dit-on incomparables. La célèbre truffe du Périgord est extrêmement parfumée, tandis que la truffe chinoise a beaucoup moins de saveur. Seulement voilà, dans le porte-monnaie, la truffe de Chine bat à plate couture sa cousine du Périgord en étant 80% moins chères. A ce prix là, normal que la France en importe tous les ans entre 16 et 20 tonnes alors que la production nationale atteint péniblement les 25 tonnes. De plus en plus souvent, des truffes chinoises sont mélangées aux périgourdines par des vendeurs peu scrupuleux ou des restaurateurs qui achètent de la truffe de Chine, ce qui est légal, mais mettent en avant des plats à la truffe ou truffé, ce qui est illégal.

Le foie-gras vient aussi de Hongrie

Spécialité culinaire du Sud Ouest, le foie-gras ne cesse de se démocratiser. En 2009, 600 000 ménages supplémentaires sont devenus consommateurs. Aujourd’hui, un foyer sur deux en achète. Mais le foie-gras vendu aujourd’hui en France n’est plus garanti en provenance du Sud-ouest. L’Hexagone a beau être largement exportateur avec 26 500 tonnes produites par an, (89% de la production mondiale), elle ne fait pas le poids pour les premiers prix. Sur ce terrain, les producteurs bulgares et hongrois sont devenus les champions en proposant des foie-gras 20 à 25% moins cher. La grande distribution notamment ne jure, elle, que par ceux de Roumanie. Et la Chine ne devrait pas tarder à débarquer. Sa production progresse de 30% par an.

Le jambon Aoste n’est pas produit à Aoste

Le jambon Aoste est une des charcuterie les plus consommés de France. Mais ce dernier n’a rien à voir avec le jambon de la ville italienne d’Aoste. Il est en fait fabriqué en France à partir de carcasses de viande importées de Chine et des Etats-Unis dans la ville d’Aoste…mais située en… Isère! Et contrairement à son homonyme italien, qui est un jambon cru, il s’agit d’un jambon mi-cuit. Cette confusion a été savamment entrenue pendant des années puisque la marque déposée « Jambon d’Aoste » était la propriété du groupe Aoste, le numéro 1 français de la charcuterie (Justin Bridou, Cochonou…). Il aura fallu que la Commission européenne intervienne et interdise en 2008 l’utilisation de cette appellation qui pouvait induire en erreur les consommateurs pour que l’ambiguïté cesse. La marque a depuis adopté le nom de « Jambon Aoste ».

Sainte-Maure concurrencée par un terme générique

A l’instar du camembert, la bûche de Sainte-Maure est victime de la confusion entretenue par les industriels sur son identité. En effet, le Sainte-Maure de Touraine est une AOC alors que le terme générique Sainte-Maure s’applique à tous les fromages de chèvre vendus sous forme de bûche. Un terme générique précisément inspiré par la forme du Sainte-Maure de Touraine. Ainsi il n’est pas rare de voir commercialisés des fromages de chèvre de différentes marques et dont la fabrication n’a aucun lien avec la Touraine avec la mention Sainte-Maure juste en dessous. La véritable bûche de Sainte-Maure de Touraine, deuxième appellation caprine française en volume (1 140 tonnes par an), est toujours vendue avec la mention de son AOC.

L’andouille dite de Vire peut venir de n’importe où

Gare à l’étiquette la prochaine fois que vous achèterez de l’Andouille de Vire. Contrairement à ce que son nom indique, il est probable qu’elle ne soit ni de fabrication normande, ni même confectionnée à partir de cochon des alentours. Car l’Andouille de Vire n’est plus qu’une recette que les industriels de la charcuterie peuvent reproduire n’importe où avec des porcs élevés à l’autre bout du monde s’ils le souhaitent. Son nom est tombé dans le domaine public, à l’instar de la saucisse de Morteau, l’andouille de Guéméné ou encore la saucisse de Strasbourg. Les producteurs locaux ont néanmoins réussi à faire valoir une AOC « Véritable andouille de Vire », qui respecte non seulement la recette, mais aussi l’origine géographique des porcs utilisés.

Les rillettes du Mans fabriquées avec du porc des Pyrénées

Le cas des rillettes du Mans ou des rillettes de la Sarthe est éloquent. Ces rillettes pour répondre à leur label d’indication géographique protégée (IGP) doivent être fabriquées ou conditionnées dans le département de la Sarthe. C’est un minimum. Mais le porc qui les compose peut lui provenir d’autres régions. Souvent limitrophes comme la Bretagne et la Normandie ou alors beaucoup plus lointaines comme l’Auvergne ou Aquitaine… voire très lointaines. Les rillettes du Mans peuvent même être faites avec des animaux de la région Midi-Pyrénées… En effet, ce sont les professionnels du secteur qui déterminent l’aire géographique d’approvisionnement. Et pour l’heure, près de la moitié des régions françaises peuvent fournir les producteurs sarthois.

L’appellation l’huile d’olive largement galvaudée

Le symbole de la cuisine méditerranéenne ne compte pas moins de 7 appellations d’origine protégée et même une AOC « Huile de Provence ». Mais de nombreux producteurs entretiennent la confusion en ajoutant sur les étiquettes des paysages évoquant le Sud ou vont jusqu’à indiquer des origines non-reconnues comme « huile de Provence-Côte d’azur ». En fait l’huile d’olive française est sans doutes le produit alimentaire qui compte le plus d’étiquetages frauduleux. Ainsi, en 2006, seulement 56% des échantillons analysés étaient « conformes » à la réglementation. Lors de contrôles, on constate que certaines bouteilles contiennent jusqu’à 50% d’huile de tournesol, présentent une fausse indication d’origine ou de variété d’olive qui proviennent d’Espagne ou de Grèce.

Le coulommiers ne vient plus d’Ile de France… mais de Normandie

A l’instar du camembert et de l’emmental, le coulommiers est un terme générique qui ne garanti pas qu’il soit fabriqué en Seine-et-Marne, son terroir d’origine, loin de là. S’il reste produit artisanalement dans quelques exploitations autour de la ville éponyme, la majeure partie de la production est d’origine industrielle. Si bien que le Coulommiers est parfois fabriqué en Champagne-Ardenne, dans le Poitou-Charentes et même au pays du Camembert… Ainsi, la « Compagnie des fromages et Richemonts », à Vire, dans le Calvados produit a elle seule 16 000 tonnes de coulommiers chaque année. En 2008, l’industrie laitière française en avait produit 53 185 tonnes, dont 70% a été vendu sous des marques de distributeurs. L’INAO En France, c’est l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité) qui est chargé de la mise en œuvre de la politique française relative aux produits sous signes officiels d’identification de l’origine et de la qualité : appellation d’origine (AOC); Indication géographique de provenance (IGP); label rouge ; et agriculture biologique. Il est sous la tutelle du Ministère de l’agriculture. Les 260 agents de l’INAO accompagnent les producteurs dans leurs démarches pour l’obtention d’un signe officiel. Il ne gère pas moins de 320 appellations de vins, 49 appellations de fromages, 500 labels rouges, 92 IGP françaises de produits agro-alimentaires et 13 298 exploitations agricoles biologiques.

Source : http://www.journaldunet.com/economie/agroalimentaire/les-faux-produits-du-terroir/