Le Reporter – mars 2009 – volume 10 n°2

Dans l’océan Pacifique, une île de la taille de la France et composée principalement de déchets de plastique flotte tranquillement. Selon le mouvement écologiste Greenpeace, ce nouveau continent est constitué de 3,5 millions de tonnes de déchets non dégradables et menace la survie de 260 espèces marines. Mais le pire reste à venir puisqu’à ce jour, aucune entente internationale ne permet de croire à une solution prochaine. Alors que la production et la consommation planétaire de plastique augmentent à une vitesse folle, l’île s’étend en silence.

C’est lors d’une course à bord de son voilier que Charles Moore, un navigateur canadien, découvre pour la première fois l’énorme masse flottante de déchets située entre Hawaï et la Californie. Curieux et inquiet des conséquences écologiques que pose cette accumulation de plastique, il se joint à l’Algalita Marine Research Foundation aux États-Unis afin de documenter le phénomène. Selon ses recherches, les déchets s’accumulent dans cette zone sans vent en raison des courants marins du Grand Vortex du Pacifique Nord qui emprisonne toute matière inerte en son centre. « À cet endroit, on peut naviguer pendant des jours sans voir un mètre carré de mer claire », constate M. Moore. Et ce n’est que la pointe de l’iceberg : les déchets sont répertoriés jusqu’à 30 mètres de profondeur. Pour sa part, François Chartier, membre de Greenpeace France, affirme que « dans cette zone, la concentration de plastique est six fois supérieure à la concentration de plancton ». De quoi raviver l’inquiétude des écologistes. Les déchets plastiques, pour la plupart photodégradables et non biodégradables, se décomposent à la lumière en de milliers de morceaux facilement ingérables par les petits organismes. Ainsi, les rebuts toxiques entrent subrepticement dans la chaîne alimentaire et trouvent, parfois même, une place dans nos assiettes.

À qui la faute ?

Face à ce problème majeur et à la complexité d’une solution, le plus inquiétant est toutefois l’inaction des gouvernements. Techniquement, le problème est résoluble mais la communauté internationale tarde à agir. « On pourrait réussir à nettoyer l’océan en récupérant ces microdéchets à l’aide de filets très fins, cependant les sommes à investir sont absolument pharaoniques », souligne M. Chartier. Sans compter qu’il faudrait obtenir un consensus international pour mettre en oeuvre une intervention écologique en haute mer puisque ce territoire ne relève de la souveraineté d’aucun État. Une autre solution imaginable, mais pas plus réaliste que la précédente, serait d’attribuer les immondices aux États propriétaires et de leur imposer le financement du nettoyage. Contrairement à la pensée courante disant que la pollution des mers est due en majeure partie aux cargos, Greenpeace affirme que 80% des déchets plastiques en proviennent de la terre. L’origine des déchets est, d’un point de vue légal, impossible à déterminer. Or, la logique oblige à admettre que chacun de nous participe à la construction de cette île. Les bouteilles, les sacs, les contenants retrouvés en mer, ce sont nous qui les avons achetés, utilisés et puis jetés. Bonne nouvelle, donc, une partie de la solution se retrouve entre nos mains et dans notre portefeuille. Si les gouvernements ne sont pas prêts à passer à l’action, peut-être la population pourrait-elle donner l’exemple.

Marlène Fisette