Les scientifiques ont parfois d’étranges idées. Connaissez-vous l’effet papillon ? Non ? Un simple battement d’aile à l’autre bout monde, pourrait, en principe, entraîner des conséquences catastrophiques chez nous, ou l’inverse.

Traduction en image d’une théorie dite des « catastrophes » du mathématicien français René Thom. C’est aussi l’illustration d’un principe de la sapience populaire selon laquelle de petites causes peuvent avoir de grands effets, voire des effets dévastateurs.

Or, ce qui n’était qu’une fiction semble bien aujourd’hui être devenue une triste réalité. Au lendemain même de la tempête du 26 décembre 2000, un vieil homme me disait ici à Rouvres «Le temps des catastrophes est arrivé». Réflexion confirmée par la bourrasque du 6 juillet 2001 qui fit, souvenez-vous, 11 morts à Strasbourg. Plus récemment, après le désastre pourtant prévisible de la Louisiane, il me dit encore : « La fin du monde a commencé…».

Propos catastrophistes me direz-vous ? Certes ! Au crépuscule de la vie, il n’est pas extraordinaire de percevoir les événements sous les couleurs du crépuscule. Pourtant ce serait à tort que nous négligerions la vraie sagesse de nos anciens. L’impressionnante série de désastres qui a endeuillé l’humanité depuis le début de ce nouveau Siècle semble bien en effet devoir lui donner raison ! Pensons aux terribles séismes de Bam en Iran, un an jour pour jour avant le Tsunami asiatique, et ensuite la tragédie pakistanaise. Bien sûr les tremblements de terre échappent à la volonté humaine. Par contre, on sait avec certitude que nous avons notre part de responsabilité dans les ravages environnementaux qui affectent la planète.

C’est là qu’intervient l’effet papillon : parmi tous les facteurs bouleversants nottre écosystème la déforestation massive de la dernière grande forêt primaire de la planète en Amazonie, doit particulièrement retenir notre attention. Les observations satellites montrent que les seuls abattages sélectifs entraînent la perte annuelle d’une surface forestière égale à la superficie de l’état du Connecticut aux Etats-Unis, l’équivalent de 5% du territoire français.

632 000 km2 soit 17% de la forêt amazonienne au Brésil ont déjà été ainsi détruits. Sur Terre, une surface forestière, supérieure à celle de la Belgique disparaît chaque année de façon définitive et transforme en profondeur le régime global des pluies !

Quel rapport me direz-vous avec Rouvres ? L’effet papillon nous apprend que nous vivons dans un monde d’étroite et totale interdépendance. Que la disparition des grandes forêts tropicales à travers le monde influe de façon décisive sur l’environnement, c’est-à-dire sur le nôtre tout aussi bien. Réciproquement nous participons tous insensiblement, partout en Europe, par une mauvaise gestion de notre environnement, à une lente mais irrévocable transformation de notre écosystème.

Chacun porte donc sa part, invisible mais décisive, de responsabilité dans ces bouleversements. Un exemple : dans toute la France nos plus beaux hêtres sont abattus et exportés vers la Chine où leur bois est considéré comme un produit exotique. La grande razzia des hêtres a commencé pour combler les déficits abyssaux d’un État français surendetté ! Les forêts n’ayant pas de syndicat, cela fait moins de bruit que la privatisation de nos grandes entreprises publiques. Mais il s’agit de la même liquidation de notre patrimoine, industriel ou forestier, dans un contexte de quasi-faillite économique.

Or, si nous voulons des étés ou des hivers moins secs parce qu’ « Il pleut toujours là où s’est mouillé » et peut-être éviter à terme la ruine de notre agriculture, il nous faut ménager nos forêts et sauver nos hêtres qui constituent chacun autant de châteaux d’eau. Pour cela, il nous faut veiller à gérer notre patrimoine forestier en bons pères de famille afin de le préserver jalousement pour les années difficiles qui s’annoncent. Également, si nous voulons avoir encore à transmettre à nos enfants autre chose que des regrets…

Jean-Michel Vernochet