LES MANIFESTATIONS DE LA MISE EN EVIDENCE D'UNE "CONSCIENCE"

C’est John Locke dans L’Essai sur l’entendement humain, publié en décembre 1689 qui va le premier affranchir l’idée de conscience, née au début du siècle, de son acception morale dont elle n’était pas habituellement dissociée par les philosophes du XVIIème siècle, les premiers à définir et à utiliser ce concept, inusité apparemment des philosophes gréco-romains.

L’Essai sur l’entendement humain traite des fondements de la connaissance et de la compréhension. Il décrit l’esprit à la naissance comme une table rase ensuite remplie par l’expérience. Constituant l’une des principales sources de l’empirisme en philosophie moderne, il s’appuie sur l’ensemble de théories philosophiques qui font de l'expérience sensible l'origine de toute connaissance valide, on peut dire que cette approche scientifique expérimentale remonte à Francis Bacon...

On pourra alors définir la conscience comme la faculté qui permet d'appréhender de façon subjective par celui qui les subit, les phénomènes extérieurs (par exemple, sous la forme de sensations) ou intérieurs (états émotionnels).

On ne fera pas ici référence à un aspect strictement mental de l’origine (ou du siège) de la conscience que d’aucuns qualifieraient aussitôt de « propre à l’homme », ce qui n’est pas le propos ici.

Il s’agit ici simplement de comprendre que tout être vivant est capable de manifestation en réponse à des stimuli, ce qui implique de sa part une capacité de détection, de reconnaissance, voire de réaction, donc de conscience de soi, une caractéristique fondamentale du « vivant » qui échappe totalement au paradigme physico-chimique !

Cette capacité d’une conscience de soi et des manifestations qui peuvent s’observer en réponse aux stimuli qu’elle peut percevoir, associée à un cheminement de type nerveux, est la caractéristique fondamentale non physico-chimique de tout être vivant.

Il ne s’agit pas pour le justifier de passer tout le monde vivant en revue, mais de fournir quelques exemples balayant tant le règne animal que le règne végétal, qui illustreront la réalité de ce propos.


Mise en évidence et détection de réponse aux stimuli même chez les végétaux

La sensitive :

Chacun sait qu’un coup sec donné à un rameau de la plante va provoquer le repliement des feuilles.

Les vrilles :

La chronophotographie (une image par minute ou par cinq minutes) montre que les vrilles se développent et s’allongent mues de mouvements apparemment aléatoires, jusqu’au moment où le stimulus de contact va provoquer l’enroulement autour du support rencontré.

http://www.snv.jussieu.fr/bmedia/mouvements/vrilles.htm

Les plantes carnivores :

La dionée secrète des substances capables d’attirer des insectes qu’elle emprisonne dès qu’ils pénètrent dans le piège.

L’acacia et les herbivores :

« Les acacias africains, bien protégés par leurs épines, utilisent des produits chimiques désagréables dans leurs feuilles comme une deuxième ligne de défense. De plus, et le plus remarquable, ils s’avertissent les uns les autres de ce qu'ils le font par émission d’éthylène qui s’exhale des pores des feuilles, en même temps qu’ils remplissent leurs feuilles avec de dérivés cyanhydriques. Les autres acacias, dans un rayon de cinquante mètres, sont alors en mesure de détecter cet avertissement chimique et ils se mettent à alors fabriquer du poison et de le distribuer à leurs feuilles. » (Attenborough 1995:70) (Attenborough, 1995, 70)

http://mysteres-verts.over-blog.com/article-acacia-appel-au-carnage-75223454.html

On peut donc parler :

- d’une prise de conscience de l’agression par le sujet (l’arbre).

- d’une réaction de défense en réponse, par sécrétion cyanogène du sujet

- d’une réaction d’avertissement du sujet aux autres arbres de la même espèce par émission d’éthanol

- d’une capacité de réception et reconnaissance du message éthylénique par les acacias voisins

- d’une capacité de réponse par sécrétion cyanosée

On a donc ici la preuve d’une conscience collective !

Plus de 3000 koudous au Transvaal ont ainsi été tués, intoxiqués par des acacias qui se trouvaient en situation de surpâturage !

Une enquête minutieuse a montré que le braconnage pouvait être exclu et que seuls les acacias étaient en cause.

Des organes des sens mal connus

Nous avons la suffisance, par anthropocentrisme, de considérer la perception comme limitée à cinq sens... La méconnaissance d’autres provient de l’éloignement de leur milieu par rapport au milieu où l’homme évolue. Il s’en suit une carence évidente de vocabulaire pour décrire et désigner des phénomènes de détection et de réaction que ne pouvons ni parfaitement appréhender, ni clairement comprendre...

Mais cette faiblesse humaine dans la détection ne doit pas conduire à la négation de leur existence, par paresse intellectuelle, ou pire par mépris justifié par la suffisance de notre supposée « supériorité mentale ». 

Nous connaissons peu de choses sur les éponges sur le plan sensoriel, à part l’existence de cils sur certaines cellules, dont le rôle visiblement tactile n’est pas clairement établi, mais dès les Cnidaires et les divers groupes de vers, l’existence de structures nerveuses de type chaîne et/ou ganglion est avérée.

Toucher un tubipore suffit à le faire rentrer dans son tube, preuve qu’il ressent et répond au stimulus.

 

Les bivalves répondent dès qu’on touche le manteau. On pourrait multiplier les exemples concernant l’organisation des sociétés d’insectes telles les abeilles ou les fourmis (et plus proches de nous les Oiseaux ou les Mammifères)

Nous citerons 4 organes des Vertébrés, plus directement accessibles à notre compréhension, parce que plus proches de notre environnement, ou déjà connus depuis longtemps :

- l’éco-location sens connu chez les chauves-souris, mais présente chez tous les Cétacés... sans compter chez tous ceux que l’on ne connaît pas...

- la propagation vibratoire terrestre, connue chez l’éléphant qui perçoit les ondes par les soles plantaires.

- la ligne latérale des poissons et des Anoures

- l’organe « électrique » des Myrmoridae (poissons éléphants) [0,5 à 1,5 m – eau douce- Nil]

Ces étranges poissons à long bec communiquent entre eux par émissions électriques, processus à bien séparer du système de défense électrique connu chez les gymnotes ou les raies torpilles par exemple.


Le système nerveux et sa « plasticité »

L’aplysie (Gastéropode marin Opisthobranche) connue sous le nom de « limace de mer » a un système nerveux particulièrement simple composé de quelques neurones :


L’expérience de Kandel (1970)

La queue a donc acquis sous l’influence de l’apprentissage de la réponse au stimulus une capacité de réception sensorielle nouvelle, reliée aux branchies : la présence du développement de nouveaux neurones (en vert) l’atteste !

La notion de plasticité 

On constate :

  • qu’il y a apprentissage puisque l’animal du fait de l’association entre stimulus mécanique et stimulus électrique (on connaît déjà cela dans le cas du réflexe de type pavlovien)

  • que cet apprentissage a une certaine rémanence dans le temps puisque l’animal continue à rétracter ses branchies, sans stimulus mécanique associé au stimulus électrique

  • que cette rémanence est d’autant plus importante que le stimulus nerveux est plus intense

  • que le circuit nerveux associé présente un plus grand nombre de connections neuroniques après l’apprentissage !


Ainsi l’apprentissage provoque la multiplication des connections neuronales.

C’est cette capacité d’auto-complexification de l’organe que l’on appelle la plasticité : la faculté du système nerveux à accroître ses connections, donc à augmenter ses capacités.

La croissance sans apprentissage va donc a contrario diminuer la capacité mentale potentielle d’acquisition de l’individu.

(Application à la volonté de non apprentissage actuel de l’"Educ Nat" au nom de l’égalitarisme !)

Biologiquement il s’agit bien d’institutionnaliser le conditionnement et la crétinisation massive de la population.


La production de déchets

Une caractéristique peu gratifiante du « vivant » !

Ne pas confondre là les déchets organiques inhérents au fonctionnement de la physiologie de l’individu....

Recyclés par d’autres organisme, les déchets du métabolisme d’un être vivant participent au développement des écosystèmes.

Ils sont par nature biodégradables :

- gaz carbonique : respiration

- eau et sels minéraux : sueur

- urine : déchets azotés

- feces : déchets azotés et divers glucides non assimilables

Avec les déchets associés au mode de vie et à l’activité des sociétés humaines...

Une photo vaut mieux qu’un long discours...


CONCLUSION

Au terme de cette analyse, nous voyons la nécessité objective d’user d’autres paramètres que ceux figurant dans le cadre du paradigme physico-chimique classique, pour définir le vivant.

Nous donnerons en conclusion la définition suivante :

- Un organisme vivant est un corps composé d’unités (les cellules) interconnectées en tissus capables de procéder à des synthèses biochimiques multiples, complexes et régulées, à partir de produits puisés dans son milieu de vie. (Il est organisé généralement de ce fait autour d’un « milieu intérieur » - au sens où Claude Bernard l’avait défini.)

- Un organisme vivant est capable de reproduction et est sujet au vieillissement.

Il est donc inféodé à un cycle de vie durant lequel il va assurer ou assumer ses fonctions essentielles : se nourrir, se développer, se reproduire et produire des déchets. (Métabolisme)

- Il dispose pour cela d’un système de détection et de transfert d’informations sur le milieu qui l’entoure qui lui confèrent une conscience de soi et du milieu où il évolue, qu’il va développer par apprentissage, ce qui le conduit à établir un contexte relationnel et comportemental tant avec ses congénères, qu’avec les autres êtres vivants qui se trouvent dans le milieu qu’il partage avec eux.

D’où la nécessité d’élaborer une épistémè capable de prendre en compte ces éléments en dépassant la seule approche physico-chimique incapable de le différencier clairement du « minéral ».

Il est clair que c’est l’aspect non biochimique de la conscience relationnelle qui va lui conférer ses caractéristiques les plus spécifiques et le démarquer totalement du minéral.


Claude Timmerman