On essaie souvent de faire croire au public que l’homme peut se découper en morceaux qu’on peut remplacer à la demande. Certes, on peut pallier la défaillance de certains tissus biologiques par l’utilisation de prothèses. Les prothèses articulaires ont fait la preuve de leur efficacité, et on pouvait donc s’imaginer que très bientôt nous pourrions bénéficier d’organes manufacturés pour remplacer les originaux défaillants.


Si la fabrication d’un foie ou de poumons artificiels est encore hors de portée de nos moyens techniques, a priori, quoi de plus simple à fabriquer qu’un cœur, qui n’est qu’une pompe ? Mais cette simplicité apparente cache de nombreux problèmes beaucoup plus complexes, même si dans ce cas précis il ne s’agit « que » d’une pompe à débit variable, qu’hélas un banal court-circuit a mis hors d’état de fonctionner lors du dernier essai d’implantation.


Croire que dans un futur proche, on pourra remplacer avec succès tous nos organes, même les plus complexes, par des prothèses, et disposer de kits de rechange pour toutes nos grandes fonctions, c’est encore un peu tôt pour pouvoir l’envisager. Mais peut-être n’aura-t-on pas besoin de ces merveilles technologiques si les techniques issues des cultures de cellules souches se perfectionnent rapidement. Ces cellules indifférenciées peuvent donner naissance à différentes sortes de tissus (musculaire, nerveux, glandulaire, etc.) selon les facteurs déterminants auxquelles elles sont soumises. C’est ainsi que l’embryon peut fabriquer ses différents organes en spécialisant et en développant des cellules qui au départ sont forcement identiques. Il y a quelques années les chercheurs ont découvert que l’individu adulte possédait encore des cellules souches qu’on pourra utiliser pour reconstruire des tissus lésés ou détruits. Nous pourrons alors parvenir à recréer des organes vitaux, véritables prothèses biologiques. Plutôt que chercher à imiter la nature, il sera sans doute plus raisonnable d’essayer d’en maîtriser un de ses processus.


D’autres questions se poseront alors. Comment réagira un corps déjà usé, à la mise en place d’un organe neuf ? Car l’organisme humain est une entité. Comment réagiront les autres tissus face à ce nouveau venu beaucoup plus performant que l’organe remplacé ? On peut, bien sur, espérer que l’ensemble en tirera bénéfice ; mais on peut aussi envisager le pire : un organisme bien réparé, porteur de diverses prothèses biologiques, servant de support à cerveau trop usé ou totalement dégradé par un état de démence, car le cerveau s’use lui aussi, et il paraît difficile de le remplacer sans envisager de changer de personnalité !


Ceux qui veulent nous faire croire qu’on pourrait ainsi, en remplaçant simplement tous les organes défaillants, doubler ou tripler notre espérance de vie sont de dangereux utopistes. Il faut éviter de croire que la biologie et les sciences du vivant peuvent s’assimiler à des technologies basiques, si nous voulons pouvoir continuer à vivre en harmonie avec nous même et notre environnement.





Dr. J-M Lacroix 04/04/2014