Il y a deux Histoires, l’Histoire officielle, menteuse, et l’Histoire secrète où sont les vraies causes des événements

Honoré de Balzac


L’authentique historiographie brise sans ménagement les images d’Épinal ; elle remplace les stéréotypes et les préjugés par des faits réels, extraits patiemment des archives.

Emmanuel Le Roy Ladurie

Lundi 5 juin 1905. Henri Poincaré présente sa note à l’Académie des Sciences « Sur la dynamique de l’électron ». Imprimée dès le vendredi 9 juin et envoyée aussitôt à tous les correspondants, elle arrive à Göttingen et à Berne entre le 10 et le 13 juin. Mais le mardi 6 juin, Théophile Delcassé, notre ministre des affaires étrangères, est exclu du gouvernement malgré ses protestations : le Kaiser, furieux de la politique d’Entente Cordiale avec l’Angleterre, exige son renvoi sous menace de guerre immédiate… Autant dire qu’aucun Français n’a prêté attention à la note de Poincaré.


Par contre l’arrivée de cette note à l’Université de Göttingen, au tout début d’un séminaire de deux mois sur l’électromagnétisme, va faire l’effet d’une bombe : Poincaré ruine les trois exposés préparés sur « les électrons plus rapides que la vitesse de la lumière ». La réaction normale aurait certes été d’arrêter le séminaire ou de le transformer en fonction de ces nouveaux résultats, et des hommes de l’intelligence de Hilbert, Minkowski, Sommerfeld en avaient parfaitement les moyens, ils ont bien sûr mesuré immédiatement les conséquences de la note de Poincaré. Mais la « Belle Époque » n’est pas une période normale, c’est une période d’hyper nationalisme, surtout en ce mois de juin 1905… Il faut absolument « germaniser » cette découverte fondamentale. Ce qui, pour diminuer les risques, sera fait par le truchement d’un « petit jeune » ambitieux qui a peu à perdre et beaucoup à gagner… Ce sera Albert Einstein1 dont les antécédents de plagiaire leur étaient connus : plagiats de Gibbs en thermodynamique… et de Smoluchowski pour la théorie cinétique des gaz !



Récemment un savant russe, Anatoly Alexeevitch Logunov - Directeur de l’Institut de Physique des Hautes Énergies - s’est tout particulièrement penché sur cette question et a actualisé le travail d’Henri Poincaré dans un texte intitulé « Sur la dynamique de l’électron » et sous-titré « Le texte fondateur de la Relativité en langage scientifique moderne »2. Or que répond Logunov a l’affirmation péremptoire mille fois répétées - au point d’en être devenue un lieu commun - par les contempteurs du grand savant français qui sont aussi les adulateurs du plagiaire de l’Office des brevets de Berne : « Poincaré n’a pas vraiment compris la Relativité ! C’est un précurseur et non le fondateur » ?

« Non ! » répond carrément Anatoly Logunov, « Non, Poincaré était très clair et avait parfaitement compris son sujet, mais l’occultation quasi totale de son travail fondateur pendant plusieurs décennies, à une époque où la Science progresse à pas de géants et où le vocabulaire scientifique est bouleversé, va évidemment transformer les points de vue. Que va comprendre un physicien des années 30 ou 40 quand, par exemple, il lit une expression comme « les molécules de l’électron » pour désigner les points d’une particule chargée ? Et malheureusement les expressions analogues sont légion… ».


C’est pourquoi le travail d’actualisation d’Anatoly Logunov est particulièrement utile. Il suffit de lire sa conclusion pour mesurer la richesse extraordinaire et la pertinence du travail de Poincaré : « Il renouvelle sa présentation de 1904 du principe de Relativité… Il montre qu’avec les rotations spatiales, les transformations qu’il baptise « Transformations de Lorentz’ » forment un groupe mathématique… Il construit les opérateurs infinitésimaux de ce groupe et détermine son invariant (x² + y² + z² ─ c²t²)… Il détermine les transformations correspondantes des champs électromagnétiques, des forces, du travail, etc… Il établit la notion de quadrivecteur se transformant comme les vecteurs espace-temps lors des transformations de Lorentz et en donne de multiples exemples [ainsi « la force par unité de volume et le travail correspondant par unité de temps »]… Il introduit le concept d’onde gravifique, ou onde gravitationnelle, se déplaçant à la vitesse de la lumière… ».


Mais alors demeure une question essentielle : comment un travail si riche et si fondamental a-t-il pu rester quasiment ignoré pendant tant d’années ? Il faut pour cela se remettre dans l’ambiance très particulière de la « Belle Époque ». Nous avons évoqué les conditions tumultueusesde l’arrivée de la note de Poincaré à Göttingen… des conditions longtemps ignorées et connues depuis peu, ce qui constitue un véritable « fait nouveau » ! Pendant ce temps, ignorant ces remous, Henri Poincaré développe considérablement sa note à l’Académie et l’envoie, au Rendiconti del Circolo Matematico di Palermo, elle y arrive le 23 juillet et sera publiée en janvier 1906. Ce texte fondamental est aujourd’hui appelé « Mémoire de Palerme ». Pourquoi donc ce lointain journal qui n’est même pas un journal de Physique ? Parce que Poincaré estimait son directeur, mais aussi parce que considéré comme un mathématicien, la jalousie et les préjugés idéologiques de ses collègues physiciens l’empêchaient de publier dans leurs revues… N’était-il pas en effet le cousin de Raymond Poincaré, chef de la « droite » ?


Henri Poincaré joue de malchance et son travail va rester confidentiel pendant une bonne trentaine d’années… Cette occultation et le plagiat correspondant ont-ils été délibérés ? De nombreux indices permettent de le penser : primo, les biographes d’Einstein les plus minutieux et les plus enthousiastes, Abraham Païs, Michel Paty, Albrecht Fölsing, Lewis Pyenson posent tous la question ; deusio, tous les travaux de physique d’Henri Poincaré, dont trois pour la seule année 1905, sont tous recensés dans les Annalen der Physik – la revue de référence « Nature » de l’époque - tous sauf un… à savoir précisément l’article fondateur de la physique moderne « Sur la dynamique de l’électron » ; tertio, des travaux de physique d’autres physiciens, dans cette même « note à l’Académie » du 5 juin 1905, sont recensés dans les Annalen der Physik, la note est donc bien arrivée à Berlin et ne s’est pas perdue en chemin ; quatro, des périodiques scientifiques allemands quasi confidentiels, mais tout à fait sérieux, le Fortschritte der Physik et le Jahrbuch über die Forstschritte der Mathematik ne manquent pas de recenser le travail fondateur de Poincaré dans les mois qui suivent: méticulosité et rigueur sont parmi les qualités primordiales des Allemands…


L’occultation de ce riche travail fondateur a peut-être fait perdre dix à vingt ans à la Science et elle fait la gloire d’un opportuniste de talent…


Christian Marchal

Conseiller scientifique et directeur de recherches, direction scientifique générale de l’ONERA (Office National d’Études et de Recherches Aérospatiales)

2 février 2013



Notes :

1 - Une conjoncture ultra concurrentielle entre États et communautés scientifiques que décrit Jules Leveugle in « La Relativité, Poincaré et Einstein, Planck, Hilbert » Éditions l’Harmattan 2004. Monographie où se trouvent rassemblés, traduits et analysés tous les documents nécessaires. Voir également « Albert Einstein - Plagiarist of the Century » 2003 Richard Moody Jr. En français sur le site de Maurice Allais, Nobel d’Économie http://allais.maurice.free.fr/Einstein.htm.

2 - "Sur la dynamique de l'électron"1984 Anatoly A. Logunov, Membre de l'Académie des Sciences de Moscou. Traduction française 2000, pdf 74 pages http://www.annales.org/archives/x/poincare.html

3 – Résumé de la présentation de « The plagiarist of the Century » par Maurice Allais, Prix Nobel. « Les défenseurs d'Einstein ont falsifié l'histoire. Celui qui a été déclaré l'« Homme du Siècle » par Time Magazine a écrit son long traité sur la relativité restreinte - « l'électrodynamique des Corps en Mouvement «  - sans citer la moindre référence. Or dans ce fameux traité, beaucoup des idées présentées par Einstein l’avaient déjà été par Lorentz et Poincaré. Comportement typique chez Einstein : n’ayant pas découvert ces théories, il se les ait simplement appropriées. Ayant puisé parmi des connaissances existantes, il a cueilli et choisi les idées qui lui plaisaient et les a entremêlées ensemble pour fabriquer un conte quant à sa contribution à la relativité restreinte, ceci avec la connaissance pleine et entière et le consentement de ses pairs, et notamment des éditeurs des « Annalen der Physik ». La célèbre équation E = mc2 établissant la conversion de la matière en énergie et inversement, attribuée arbitrairement au seul Einstein était connue de Sir Isaac Newton dès 1704… « Gross bodies and light are convertible into one another... ». Un peu avant Einstein, cette équation peut être également attribuée à S. Tolver Preston (1875), à Jules Henri Poincaré (1900), à Olinto De Pretto (1904) et à Gustave Le Bon, ami et éditeur de Poincaré (1905). Einstein n’étant jamais parvenu à démontrer l’équation E = mc2, il est par conséquent tout à fait abusif de lui en attribuer le moindre mérite.