Nous nageons dans la haute-technologie avec l’impression que le monde a été révolutionné par elle…
Mais qu’en est-il en réalité ?
Et cette technologie moderne est devenue l’excuse à la bêtise crasse, l’inculture et la méconnaissance des fondamentaux.

Une petite histoire arrivée à un ami nous éclairera sur le sujet :

« J’ai beaucoup de livres et j’en ai, aussi, accumulé beaucoup au bureau, et pas des romans, mais des ouvrages thématiques, en sciences, en astronomie, en mathématiques, histoire et quelques sujets parallèles.
J’en ai gardé une partie à mon bureau en attendant de les rapatrier avant mon départ en retraite.

Ceci m’attire constamment des réflexions du genre (je respecte leur formulation) :
« - T’as qu’à les jeter… si tu les as lus, pourquoi les garder ?
- Débarrasse-t’en… à quoi ça sert !?
-Tu ne vas pas nous faire croire que tu les relis et que ça te sert ? (ben, SI) …
- Une fois que tu les as lu… tu sais de quoi ça parle…. A quoi ça sert de les garder (même un dictionnaire ?
-T’as qu’à te contenter de les louer à la bibliothèque… »
Etc…

Je leur demande toujours :
« - Vous avez des DVD, des CD… que vous avez vus… entendus… à quoi ça sert de les garder…. Vous savez comment ça fini le Titanic ou John Wayne pour les films et vous avez déjà entendu une fois les chansons du CD, vous les réécoutez ? vVus savez pourtant ce que dit la chanson ! »

Réponse :

« - C’est pas pareil
- Ah oui ? et en QUOI ?
- Un livre prend de la place.
- Un DVD aussi ! »

Et le dialogue s’arrête aussitôt par incompréhension de l’autre partie pour qui un livre : ça se jette, ça ne se garde pas !

Et j’ajoute de mon côté :
« - Je les relis avec plaisir, j’ai sous la main tout ce que je désire comme documentation, même à 3 heures du matin et le dimanche et la bibliothèque n’a pas le centième des titres que je désire et que j’ai… » »

Et je lis dans le regard torve de mes interlocuteurs une sorte de bestiale bêtise et de stupidité ignorante qui montre le fond de la question.

J’ai l’exemple d’une collègue qui achète un guide touristique haut-de-gamme et sophistiqué pour ses voyages, au Guatemala et au Cambodge par exemple. Ledit guide donne la moitié de ses pages à la culture, l’histoire, voire même la langue et la philosophie du pays concerné ; pour un guide sur le Tibet c’était même un manuel complet de bouddhisme tibétain pour une bonne partie.
Elle ne lit que la partie donnant le BON restaurant où il FAUT avoir mangé ( il FAUT ? pourquoi ? ) et son adresse ou le monument qu’il FAUT avoir vu et photographié ( pourquoi ? – pour avoir un sou-ve-nir ! – et pourquoi ? )»

Cette historiette (et histoire vraie) nous indique bien l’évolution des choses en occident…
Le livre est dévalorisé, déconsidéré, peut-être à cause de l’inflation de parutions et d’écrits inutiles et sans intérêt (mais n’est-ce pas le cas aussi pour les CD et DVD ?)
Il est vrai qu’on a fait paraitre parait-il (j’ai lu ça quelque part) 7 fois autant de livres depuis l’an 2000 inclus que ce qui avait été écrit depuis la naissance du livre.
Combien de livres valent au fond vraiment la peine de nos jours ?

A l’époque du pape Sylvestre II, le moine Gerbert, une bibliothèque comprenait (si elle était riche) 50 livres qu’on relisait constamment, qu’on désossait, qu’on apprenait par coeur même à force de les lire, relire et méditer…
Mais ce n’était certes pas la collection Harlequin à l’eau de rose ou les états d’âme érotico-animaliers de tel ou tel auteur à la mode…

De nos jours, on peut avoir une bibliothèque de 1000 livres ou plus… dont on n’a lu aucun, si ce n’est le titre !

D’où vient cette pensée négative envers les livres, TOUS les livres et le désir plus ou moins inconscient de s’opposer à lui et d’empêcher ou limiter son usage ?

Un livre, c’est du savoir, de la connaissance, de la liberté… La faculté de voyager dans le temps et dans l’espace, mieux encore de voyager au centre de la Terre des hommes, dans leurs rêves et la fièvre de leur imagination.

Avec un DVD, un CD, on est passif (sauf CD ou DVD très thématique).
Avec le livre, on est actif et le livre fait PENSER, travailler le cerveau et développer l’imagination.

Notre époque est une époque d’involution, de désordre intellectuel, de refus des ordres et équilibres naturels, en ce sens, le Livre comme instrument de savoir renvoie à chacun un reflet du réel que tous ne veulent pas voir !

Lire demande un effort intellectuel, une complicité avec le livre et, au fond, un enthousiasme que beaucoup n’ont plus.

Tout ceci explique donc bien le pourquoi de la haine du livre que je sens plus ou moins consciente mais réelle chez pas mal de nos contemporains.

Michel Séguy