Sous le signe du soleil,
exactement.
Depuis nos origines de cueilleurs-chasseurs, puis de
cultivateurs-éleveurs, c´est l´énergie solaire qui décidait par photosynthèse de
ce que nous pouvions manger, et qui induisait donc notre démographie. Si nous
n´avions pas eu le malheur de connaître le pétrole, notre économie serait restée
sagement et exactement sous le signe du soleil, nous ne serions que deux ou
trois milliards de Terriens. Et deux ou trois milliards, c´est déjà considérable
pour l´effectif mondial d´un grand mammifère. La récente industrialisation de
l´agriculture, qui nous a projetés au niveau démographique et aux exigences
alimentaires que l´on sait, est essentiellement due aux engrais (issus du gaz
naturel), aux biocides (tirés du pétrole) et à la motorisation (engins,
irrigation, transports). La consommation énergétique s´est ainsi accrue pour
produire jusqu´à cent fois plus et depuis le milieu du siècle dernier, nous ne
faisons que « manger » du pétrole.
Alors que la découverte de nouveaux
gisements est en baisse et que nous entamons une dégringolade qui se superpose à
l´épuisement des meilleurs sites d´énergies fossiles, alors que la crise de
l´eau est déjà vécue par de nombreuses nations, l´agriculture moderne doit
poursuivre une croissance apte à nourrir chaque décade un milliard de bouches
supplémentaires. Cette révolution verte concerne donc une agriculture intensive
non durable qui va tout droit à la faillite. La fin des énergies fossiles ayant
pour corollaire la fin des intrants agricoles que sont les engrais azotés,
seulement deux de la dizaine de milliards de Terriens attendus pour l´après 2050
pourront tirer leur épingle du jeu et subsister, selon les experts les plus
sérieux. Suite à cet effondrement des rendements agricoles, imaginons donc une
famine de 6 ou 7 milliards d´humains. La sélection ne se fera pas en douceur et
les pires hostilités présideront à une telle crise. Les mieux nantis devront
reconstruire des châteaux forts pour se préserver des gueux, châteaux-forts aux
nouvelles dimensions de la virtualité et de la mondialisation.
La
bouche en coeur.
Quant aux rumeurs bien intentionnées prétendant
qu´une Terre nourricière non boostée artificiellement pourrait nourrir la
population humaine d´aujourd´hui et de demain, mais qu´il faut seulement
apprendre à partager, c´est d´un cynisme fou. D´abord parce que le mammifère
humain est psychanalytiquement un gros con avide, mégalo et cupide en raison de
son égo très perso (regarde-les avec leurs costards-cravates !) Ensuite parce
qu´exhortation au partage et à l´altruisme fut le coup des morales religieuses
depuis la nuit des temps et qu´elle n´eut comme application que de donner bonne
conscience par delà les pires guerres. Enfin, parce qu´être seulement humaniste
et fondamentalement anthropocentriste est illusoire : notre surnombre fait
reculer les autres espèces et Homo sapiens ne survivra pas seul une
planète sans fleurs et sans oiseaux. C´est nier les interdépendances. Ce point
de vue naïf et idéaliste est cependant celui de gens que j´aime, tels ceux
d´Attac ou de la Décroissance. Dommage qu´ils pensent comme des économistes,
sans mettre une note de naturalisme dans leur Robot sapiens
(sapiens de moins en moins en ces temps). Et puis quoi et jusqu´où ?
Après 7 milliards, on dira 9, puis 10, puis 15 : il suffit de partager ? Les
gens qui nichent à quinze dans une pièce, ils partagent aussi. Joyeux partage,
y´a de la joie dans le ghetto !
Famine ou agrochimie, c´est le
chantage indécent : avez-vous remarqué ? La multiplication des bouches fait
l´affaire de tous les Rockefeller de ce système pourri !
Surnatalité
et productivisme agricole est un tandem infernal, sciemment provoqué par un
choix de société. Arguer de l´alibi du grand nombre de bouches à nourrir, de la
souveraineté alimentaire, avec l´épouvantail de la famine, pour exploiter chaque
fois plus les sols et entretenir chez les populations une idéologie de la
reproduction, relève d´un chantage diabolique. On peut faire l´analogie avec le
nucléaire dont toute contestation embraye une menace d´obscurité ! La spirale
ainsi enclenchée par un capitalisme insidieux et sans conscience fait que notre
monde deviendra à moyen terme invivable. Alors, pour éviter les guerres
d´appropriations, d´ailleurs déjà entamées, et ce, notamment pour les énergies
fossiles en voie de tarissement, il faudra bien envisager une dépopulation. Un
enfant par couple, c´est bien. Vous en voulez plus ?
Michel R. TARRIER
Écologue, écosophe
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