À l'heure où quelques bons esprits commencent à s'inquiéter des dangers que représentent les réseaux sociaux tels que Facebook, on nous annonce la mise en place dès ce mois-ci, du dossier médical personnel informatisé (D.M.P.) qui représente une menace bien plus grande  pour notre liberté individuelle, notre vie privée, et notre intimité. Les régions Aquitaine, Alsace, Franche-Comté, Picardie et Rhône Alpes ont été choisies pour expérimenter le système.

De quoi s'agit-il ? Le site officiel* nous informe : le D.M.P. a été créé pour favoriser la coordination, la qualité et la continuité des soins (…) il simplifie le partage des données de santé à caractère personnel entre les professionnels de santé (…) et contiendra les comptes rendus de consultation, hospitaliers, de radios, de biologie et de tous les actes médicaux réalisés ainsi que les médicaments prescrits. Comble de bonheur, le patient peut même ajouter toute information qu’il jugera nécessaire de porter à la connaissance des professionnels de santé qui le suivent.

Cette innovation présentée comme un progrès en matière de santé n’offre strictement aucun intérêt pour le malade. Par contre, centraliser toutes les données de santé représente un réel intérêt pour certains :

  • Etudes épidémiologiques dont la société pourra peut-être tirer quelques bénéfices.
  • Etude du coût/ performance des différents traitements, et l’on devine déjà l’intérêt financier que cela peut représenter pour les assurances-maladie, mutuelles ou établissements de soins et laboratoires pharmaceutiques.
  • Création de diverses banques de données (groupes à risques, espérance de vie par rapport à la pathologie, etc. etc.) qui seront fort utiles à tous ceux que votre santé intéresse lorsqu'il s'agit par exemple de vous prêter de l'argent ou de vous assurer.

Toutes les applications de cette centralisation des données sont imaginables, je ne cite là que celles qui me viennent spontanément à l’idée, mais toutes les dérives sont possibles.

Jusqu'à présent pour se procurer votre dossier médical il faut cambrioler votre appartement, le cabinet de votre médecin traitant, où celui du juge susceptibled’en demander la saisie. À partir du moment où toutes les données seront regroupées, ce sera un jeu d'enfant. Bien sûr ces données seront sécurisées, et ne pourront y avoir accès que ceux que, théoriquement, vous autoriserez à ouvrir votre dossier. En théorie seulement, car quand on voit avec quelles facilités des gamins sont parfois capables de pirater les données informatiques les plus protégées, on ne peut que douter de la confidentialité de celles que vous aurez confiées à ce dossier.

On refuse souvent de mentionner la race, la religion et toutes informations susceptibles de vous nuire dans les questionnaires, et l’on tend à rédiger des C.V. de plus en plus anonymes pour éviter tout a priori nuisible d'origine ethnique, religieuse ou autre, mais on est prêt à faire état de ses varices, de son cancer du côlon, de la blennorragie de ses 18 ans, ou de sa dernière IVG, dès lors qu'il s'agit de remplir un questionnaire médical.

Cette attitude est compréhensible, car jusqu'à présent le fait d'indiquer ses pathologies les plus intimes était destiné à vous rendre service, et ces données étaient couvertes par le secret médical. On pouvait donc se laisser aller en toute confiance. À partir du moment où votre dossier pourra être partagé par une multitude d’individus, il deviendra bien évidemment beaucoup moins secret, et vous serez peut-être étonnés qu’un jour votre banquier vous refuse un prêt, ou que la prime d'assurance maladie ou de votre mutuelle augmente en raison d’un risque de santé réel ou plutôt supposé quand il s’agira de motiver un refus à la tête du client.

Alors tant que cela est encore possible, refusez toute inscription dans ce fichier. Il ne vous sera personnellement d'aucune utilité, ne sert que les intérêts de ceux qui cherchent à établir un profil standard pour sanctionner d'une manière ou d'une autre ceux qui sortent de la norme.

Si vous tenez à tout prix à informatiser votre dossier médical, faites-le tranquillement chez vous, sur votre ordinateur, puis mettez le sur une clé U.S.B. que vous pourrez présenter à votre médecin si nécessaire, mais en aucun cas n’acceptez qu'il soit copié dans un fichier central. Votre liberté en dépend !

Dr JM Lacroix

* www.dmp.gouv.fr