En France, environ deux tiers des produits alimentaires sont achetés en grandes ou moyennes surfaces (90 % si l’on considère les aliments de type pâtes, riz ou produits laitiers). Et entre le champ du producteur ou l’étable de l’éleveur et le caddie du consommateur, les prix passent du simple au double, voire au triple, chaque intervenant du circuit de distribution empochant sa marge.

Un aliment parcourt en moyenne 2400 à 4800 kms entre son lieu de production et son lieu de consommation, ce qui n’est pas sans conséquence sur la qualité des produits à l’arrivée. Et un fruit ou un légume importé et hors saison consomme 10 à 20 fois plus de pétrole qu’un légume ou un fruit produit localement et consommé pendant la saison.

Aussi bien les consommateurs en bout de chaîne que les producteurs agricoles pointent du doigt les excès qui se cachent derrière un système qui multiplie les intermédiaires : grossistes, emballeurs, courtiers et commerçants ajoutent chacun à son prix d’achat une marge qui comprend le coût du transport, de la manutention et la marge finale. Ces intermédiaires sont conscients de l’impact de leur activité sur la cherté des produits mais tous n’ont qu’un argument à la bouche : la fragilité des denrées alimentaires qui entraîne de grosses pertes qu’il leur faut prendre en compte.

Une des solutions à ce problème est, pour le consommateur comme pour le producteur, de favoriser les circuits courts de commercialisation, sans intermédiaire ou à intermédiaire unique.

Les circuits de distribution rapprochant producteurs et consommateurs ne sont pas nouveaux, la vente à la ferme ou sur les marchés restent une pratique courante inscrite dans l’histoire de l’agriculture et des régions et, aujourd’hui ils se diversifient. De nouveaux systèmes de vente directe émergent et grignotent des parts de marché à la grande distribution.

Les motivations des consommateurs qui font cet effort de multiplier leurs sources d’achat sont diverses : prix équitable, transparence et traçabilité, recherche du produit « frais », soutien de l’économie locale pour les plus engagés… . Et les producteurs qui veulent s’affranchir des contraintes imposées par les centrales d’achat – grosses quantités, horaires fixes, calibres standards – s’impliquent dans le développement, individuellement ou collectivement, de la vente directe de leurs produits. L’enjeu pour eux est d’obtenir un meilleur revenu, de faire valoir la qualité spécifique de leurs produits (Bios, fermiers, de terroir ou labellisés) et de conquérir de nouveaux débouchés.

Pour tous, ces initiatives reconstruisent du lien social. Un circuit court vise à privilégier un lien direct entre producteur et consommateur, lien fondé sur la proximité géographique.

En supprimant les intermédiaires, il permet une meilleure rémunération du producteur et/ou une baisse des prix. De plus, la proximité géographique entre les lieux de production et de consommation réduit les transports, ce qui est favorable sur le plan écologique, mais également pour la qualité et le prix du produit.

Quelques initiatives intéressantes allant dans ce sens méritent d’être mieux connues, elles sont inspirées de concepts validés déjà dans d’autres pays, tels que les Teikeis au japon, les  CSA (Community Supported Agriculture)pour les pays anglophones, l’ASC (Agriculture Soutenue par la Communauté) au Québec  ou  leReciproco au Portugal.

Ce sont :

Les associations des Marchés Paysans qui, soutenues par une charte, regroupent des consommateurs/membres et des producteurs et artisans.

Les « points de vente collectifs », appelés aussi « boutiques de producteurs », où des producteurs, regroupés en association, vendent à tour de rôle les produits du collectif : ces PVC s’implantent aussi bien en milieu rural qu’en ville, quelques-uns sont ouverts en zone périurbaine à proximité des grandes surfaces, ce qui permet de profiter de leur clientèle.

L’approvisionnement direct des boutiques, supérettes ou grandes surfaces locales : certaines privilégiant le local pour des raisons éthiques tel que le réseau des Biocoop.

La vente par Internet de paniers collectifs, regroupant l’offre de plusieurs producteurs : les paniers sont livrés dans différents points relais et parfois à domicile et les sites d’achat sont gérés par des groupements de producteurs.

Les jardins d’insertion, qui combinent de plus en plus l’appui aux personnes en difficulté avec la fourniture de paniers aux habitants environnants.

Ces nouveaux circuits ont chacun leurs atouts ou leurs contraintes. Un exemple particulier de réussite à suivre : le réseau des AMAP [Associations de Maintien de l’Agriculture Paysanne] apparu en 2001. Partenariats entre un producteur et un groupe de consommateurs qui s’engagent à acheter régulièrement les produits, souvent sur abonnement et en payant à l’avance, ces associations sont basées sur une charte qui formalise les engagements réciproques.

En 2008, 1000 AMAP faisaient vivre 1600 producteurs et nourrissaient près de 250 000 personnes, pour un chiffre d’affaires estimé à 52 millions d’euros. Le principe d’une AMAP peut être rapproché de celui du commerce équitable :

Le prix des paniers reste constant et est fixé en début de saison  entre le groupe de consommateurs et le producteur (pré paiement de six mois à un an à l’avance), garantissant une sécurité financière pour ce dernier.

En contre partie, l’agriculteur s’engage à fournir des produits de qualité et diversifiés dans le respect de la charte des AMAP publiée en 2003, c’est-à-dire à suivre des méthodes issues de l’agriculture biologique.

A cela, s’ajoute une implication directe des consommateurs dans le fonctionnement de l’AMAP puisque ces derniers sont invités à assurer une permanence-distribution.

Plusieurs études montrent que sur le territoire les circuits courts progressent, laissant présager une évolution de leur statut de « marché de niche » en « réelles parts de marché ». Et de nombreux impacts sont signalés : création d’emplois, renforcement de la coopération entre producteurs, éducation au goût et à l’alimentation… Ces circuits présentent donc un fort potentiel de développement et beaucoup d’enjeux à la fois économiques, sociaux et environnementaux. Il s’agit maintenant pour tous les acteurs de ce secteur de rendre l’offre plus visible afin de la développer et de pérenniser la démarche.