baby_monkey_injection.jpg Contrairement à ce que laissent entendre les ministres européens, la future Directive européenne sur l’expérimentation animale ne permettra pas de donner à l’Europe les moyens de développer une recherche de pointe et éthique. “One Voice” dénonce un texte qui préserve les intérêts des industriels au détriment de la vie de millions d’animaux et accuse les ministres d’un double langage.

Démonstration par l’exemple.

Lancée en 2002, la révision de la Directive européenne sur l’expérimentation animale (86/609/EEC) avait soulevé un vent d’espoir parmi tous ceux qui se battent pour la fin des expériences sur animaux. Destinée à mettre à jour le texte obsolète de 1986 et à harmoniser les règles dans l’U.E., cette révision pouvait permettre de prendre en compte les avancées technologiques et scientifiques avec, notamment, le développement des méthodes substitutives, plus fiables, plus économiques, et surtout plus respectueuses du vivant. Las, le texte actuellement en phase finale de révision ne prévoit aucune des avancées majeures qui aurait permis d’inscrire la recherche européenne dans le XXIème siècle et par la même de sauver de la souffrance et d’une mort certaine des millions d’animaux. C’est en tout cas ce qu’a laissé entendre, sous couvert d’un discours progressiste, le Conseil des ministres européen lors de sa déclaration du 11 mai 2010.

Des déclarations trompeuses

“One Voice”, au sein de la Coalition européenne pour mettre fin à l’expérimentation animale, dénonce un texte privilégiant une recherche d’un autre âge basée sur les tests sur animaux et accuse les instances européennes de tromper les citoyens en les laissant croire que la future loi épargnera la vie des animaux. Il n’en est rien. Lors de sa déclaration, le Conseil a affirmé, par exemple, que les expériences sur les animaux devront être remplacées par des méthodes substitutives chaque fois que cela est possible afin de permettre une réduction des souffrances et du nombre d’animaux utilisés. En réalité, le texte actuel le prévoit déjà. En revanche, et c’est bien plus inquiétant, la nouvelle directive autoriserait l’utilisation d’animaux même s’il existe une alternative, lorsque celle-ci n’est pas répertoriée dans la législation européenne, ce qui concerne 78 % de toutes les expériences (dont celles menées pour la recherche fondamentale). Dans la déclaration des ministres, seules les expériences visant à lutter contre les maladies humaines sont citées. Mais toutes les expériences utilisant un grand nombre d’animaux pour la recherche n’ayant rien à voir avec la recherche de traitements, comme les essais de sécurité de produits non essentiels, la recherche pure et l’enseignement (pour lequel des méthodes substitutives existent déjà) sont passées sous silence.

L’expérimentation sur les primates pérennisée

Si, comme l’ont déclaré les ministres européens, certaines restrictions quant à l’utilisation des grands singes font leur apparition, ils oublient de préciser que les recherches sur les primates restent autorisées sans que ces animaux ne bénéficient d’une protection particulière. Les chercheurs pourront ainsi continuer à utiliser les primates y compris pour la recherche sur des maladies humaines mineures et en recherche fondamentale. Toujours selon les ministres, seuls les descendants des primates élevés en captivité ou provenant de colonies autonomes pourront être utilisés. Faux, puisque dans le texte il ne s’agit que d’un souhait pour le long terme. Le futur texte prévoit également que les grands singes ne pourront être utilisés dans le cadre de recherches provoquant « une douleur extrême et prolongée » mais en fait les expérimentations pourront être autorisées par un comité. Alors que la Commission européenne avait envisagé de n’autoriser que les expériences sur les primates directement utiles pour le traitement de maladies humaines graves, la nouvelle directive ne semble imposer comme mesures de bien-être que des obligations comme une dimension minimale de la taille des cages des animaux… Elle autoriserait aussi les expériences sur les animaux d’espèces menacées.

Les méthodes substitutives oubliées

Les ministres expliquent que la nouvelle directive constituera une étape importante vers l’objectif ultime : remplacer totalement les expériences sur les animaux par d’autres méthodes scientifiquement possibles. Mais dans le texte rien n’est prévu pour atteindre cet objectif. Le principe des évaluations fréquentes de chaque expérience pour tenir compte de l’évolution de la science et de l’opinion publique a, par exemple, été rejeté. Pourtant, comme le rappelle « One Voice », selon de récents sondages, les citoyens européens désapprouvent l’expérimentation animale. L’explication de l’absence de politique volontariste en matière de développement de méthodes alternatives est sans doute à chercher dans l’article publié par le journal scientifique Nature. Les chercheurs y expliquaient que la nouvelle directive serait un désastre pour la recherche si elle limitait les expériences sur les animaux.

L’intérêt industriel au détriment de l’éthique

En 2009, l’industrie de la recherche est d’ailleurs passée à l’action pour faire accepter son point de vue par le Parlement européen : la plupart des mesures restrictives pouvant améliorer les conditions de vie des animaux ou réduire leur nombre ont été abandonnées. Les laboratoires pharmaceutiques se sont, par exemple, opposés à la clause du Parlement européen demandant le partage des données obtenues par les expériences sur les animaux, arguant de la propriété intellectuelle des données. Le secret industriel prime sur l’éthique. Aujourd’hui, les chercheurs s’inquiètent de la transcription de la directive dans les États membres, qui devront déterminer quelles expériences causent des souffrances extrêmes et prolongées. Les scientifiques affûtent déjà leurs arguments, basés sur la peur, tel le physiologiste Rainer Nobiling (Université d’Heidelber, Allemagne) qui prévient « limiter les expériences sur les primates encouragerait le développement d’expériences sur les humains… »

Des millions d’animaux sacrifiés

Conformément à leur souhait, les chercheurs vont donc pouvoir continuer à pratiquer l’expérimentation animale, causant souffrances sévères allant jusqu’à la mort de millions d’animaux. La nouvelle directive ne limiterait pratiquement pas les expériences sur les primates, autoriserait toujours celles sur les chiens, les chats et les animaux d’autres espèces, dont celles ne visant pas à mettre au point des traitements pour des maladies humaines. Un non sens dans une société civilisée.

”One Voice” et la Coalition européenne pour mettre fin à l’expérimentation animale regrettent que l’opportunité de limiter l’expérimentation animale et promouvoir les méthodes substitutives -plus éthiques, fiables et économiques- n’ait été saisie. Le destin de millions d’animaux est désormais entre les mains du Parlement européen qui doit examiner le projet de la directive en deuxième lecture.

Source : http://www.one-voice.fr/fr/article/experimentation-animale-les-animaux-maltraites-par-la-future-directive-europeenne