jardinbio2large-300x200.jpg De quoi se mêle l’administration ? De notre bien ou de celui, exclusif, des commerçants et autres laboratoires qui ne rêvent que de breveter tout ce qui se trouve dans le domaine public depuis la nuit des temps (comme les tisanes de nos grands-mères par exemple), ceci afin de nous le revendre à prix d’or ? Il faut comprendre que tout se monnaye aujourd’hui, et que des recettes libres de droit n’alimentent ni le commerce, ni le système de taxations qui prélève sa dîme à chaque transaction !Depuis le 1er juillet 2006 et l’entrée en vigueur de l’article 70 de la loi 2006-11 du 5 janvier, il est en effet interdit, sous peine de condamnation pouvant aller jusqu’à 75 000 euros d’amende et deux ans de prison « de vendre, d’utiliser et de détenir tout produit phytopharmaceutique s’ils ne bénéficient pas d’une autorisation de mise sur le marché ».

Sont considérés comme produits phytopharmaceutiques : « les préparations contenant une ou plusieurs substances actives…destinées à protéger les végétaux ou produits végétaux contre tous les organismes nuisibles ou à prévenir leur action; à exercer une action sur les processus vitaux des végétaux…à détruire les végétaux indésirables ». Ajoutons que « toute publicité commerciale ou le fait d’en recommander l’utilisation» est interdit si ces « produits » ne bénéficient pas « d’une autorisation de mise sur le marché, et dont les conditions d’emploi sont fixées par ces mêmes autorisations ».

En septembre 2002 déjà, la direction départementale de la répression des fraudes du Maine-et-Loire avait mis hors la loi la vente de purin d’orties. Il n’était cependant pas encore prohibé d’en communiquer la ou les recettes. Sachant que « 95 à 98% des produits utilisés aujourd’hui en jardinage et en agriculture familiale sont fabriqués à partir de produits naturels, sur place, de façon artisanale, souvent selon des « recettes de grand-mère », qui n’ont jamais été le sujet de grandes études de l’Inra, on comprend le dol que subissent les industriels et le fisc, fort marris d’une telle concurrence déloyale, et du manque à gagner afférent !

En bref, l’affaire avait été révélée par le jardinier de Versailles, l’excellent Alain Baraton. Le malheureux chroniqueur avait eu la mauvaise idée de donner à ses auditeurs la recette immémoriale du purin d’ortie. Mal lui en a pris, car il fut aussitôt sommé vertement de se plier aux rigueurs de la loi. Du même coup la France rurale, et celle des jardins, découvrait tout le pouvoir et l’étendue de la dictature du marché associée à la capacité de nuisance d’une bureaucratie toute puissante apparemment à son service. Après les mises obligatoires aux normes imposées par Bruxelles qui ont chassé nombre d’artisans de nos campagnes, il est donc désormais interdit de se passer, de transmettre les recettes et les méthodes naturelles de nos aïeux puisque celles-ci pourraient concurrencer (de façon déloyale évidemment) les produits coûteux et polluants disponibles sur les rayons des jardineries et autres grandes surfaces. Produits aux coûteux conditionnements (emballages) surtout taxés par l’État qui touche sa dîme à chaque étape allant de la production à la consommation via la commercialisation !

Le Ministère de l’Agriculture s’est vu malgré tout obligé de tempérer l’interprétation du texte de la loi en précisant que « les particuliers ne sont pas concernés (?)». En conséquence, les préparations effectuées par un particulier et pour une utilisation personnelle (telles que le purin d’ortie), ne rentrent pas dans le cadre d’une mise sur le marché et sont donc autorisées. De même la promotion auprès des particuliers de procédés naturels ou le fait de donner la recette de telles préparations ne sont pas « interdites ». Pourtant, « si un professionnel a le droit de préparer et, ensuite, d’utiliser des produits de traitements pour les plantes, il n’a pas la possibilité de les commercialiser ou même de les distribuer gratuitement ». Mais comment comprendre alors l’article L 253-1 du Code rural modifié par la loi du 30 décembre 2006 qui dit que « Sont interdites la mise sur le marché, l’utilisation et la détention par l’utilisateur final des produits phytopharmaceutiques s’ils ne bénéficient pas d’une autorisation de mise sur le marché ou d’une autorisation de distribution pour expérimentation délivrée dans lesconditions prévues au présent chapitre. » ? *

Qu’est-ce qu’un État, et une « Europe », qui se mêlent d’interdire de transmettre librement des méthodes et recettes naturelles et traditionnelles, souvent multiséculaires ? Le meilleur des mondes n’est pas pour demain puisque dès aujourd’hui la bureaucratie a décidé que désormais tout ce qui n’est pas explicitement autorisé se trouve, par définition, automatiquement interdit. Autrefois, au temps obscur et pré-démocratique, c’était l’exact contraire ! L’étau se resserre un peu plus sur nos libertés. Mais qui s’en émeut ? L’administration ne veut-elle pas notre bien et rien que notre bien ?

La bureaucratie vue par Courteline faisait rire. Celle revue et corrigée par Ubu-Bruxelles et Kafka-Paris devient trop souvent proprement asphyxiante. Combien d’artisans découragés par la paperasserie et le maquis des interdictions édictées par une administration tatillonne et tracassière, ont préféré mettre la clef sous la porte ? C’est ce que nous constatons tous les jours que Dieu fait dans nos campagnes qui se vident de ses artisans, notamment dans les « métiers dits de bouche », charcutiers, boulangers ruraux et autres façonneurs de produits du terroir, par impossibilité financière à « se mettre aux normes » imposées par la Commission, las des carcans administratifs ou écœurés par trop de caporalisme bureaucratique.

Jean-Michel Vernochet

  • http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006071367&idArticle=LEGIARTI000006583001&dateTexte=20091222