Une pandémie de grippe humaine en 2009 ? Suite à l’extension géographique du virus H5N1 à partir de l’Asie, le risque d’une pandémie humaine de grippe demeure. Pour autant, le virus n’a toujours pas acquis la capacité de se transmettre d’homme à homme.

Le risque principal de la survenue de cette épidémie mondiale vient de la probabilité de la rencontre du virus aviaire avec un autre virus de la grippe et de la fusion des deux. Si une personne, porteuse du virus saisonnier de la grippe, rencontre le virus de la grippe aviaire, elle pourrait servir d’incubateur favorisant un échange de matériel génétique entre les deux virus. Cet échange pourrait se traduire par l’émergence d’un nouveau virus dont les caractéristiques seraient différentes des deux virus d’origine et potentiellement plus dangereuses.

Selon l’OMS, personne ne serait immunisé en pareille occurrence. Trois conditions doivent être réunies pour qu’une telle pandémie se déclenche. Premièrement, il faut qu’une nouvelle souche, un nouveau sous-type de virus de la grippe, émerge avec la capacité d’atteindre les humains. Cette condition est remplie car le virus aviaire H5N1 peut, dans certaines conditions, s’attaquer à l’homme. Deuxièmement, ce nouveau virus doit être dangereux pour l’homme, ce qui est également déjà attesté par la mort de plus de la moitié des personnes qui ont été infectées. Enfin, il faut que ce virus se dissémine facilement parmi la population en se diffusant d’homme à homme, ce qui n’est actuellement pas le cas.

Dans le contexte de ce danger, un des acteurs internationaux de l’industrie pharmaceutique semble avoir perdu le contrôle d’un virus qui est considéré, par l’ensemble des virologues de la planète, comme étant l’un des composants pouvant mener à une nouvelle pandémie du type de la grippe espagnole, la manifestation de la grippe la plus mortelle de l’histoire moderne.

C’est ce que nous apprend la presse canadienne [1], dans un article qui relate que le fabricant de vaccins Baxter International Inc. a produit un vaccin expérimental de la grippe saisonnière humaine qui a « accidentellement » été contaminé par le virus de la grippe aviaire. L’erreur, que les autorités de santé publique mondiales qualifient de grave, a eu lieu au laboratoire de recherche de Baxter International à Orth-Donau, en Autriche. Le matériel contaminé, un mélange de virus de la grippe humaine H3N2 et de virus de la grippe des oiseaux H5N1 a été envoyé à l’entreprise Avir Green Hills Biotechnology, une firme autrichienne. Celle-ci en a par la suite transmis des échantillons à des sous-traitants en République tchèque, en Slovénie et en Allemagne. C’est le sous-traitant tchèque qui, lorsque des furets auxquels il avait injecté le mélange sont inexplicablement morts, a recherché et identifié la cause : le matériel vaccinique était infecté par le virus « vivant » de la grippe aviaire.

Le H5N1 ne contamine pas facilement les humains, mais le H3N2 si. Dans l’éventualité où une personne exposée au mélange était infectée simultanément par les deux souches, elle pourrait servir d’incubateur à un virus hybride capable de se propager facilement d’un humain à un autre. Ce mélange de souches, appelé réassortiment, est l’une des deux manières de créer un nouveau virus. Et ces deux souches ont tout le potentiel pour déclencher une pandémie.

L’entreprise Baxter International Inc a été parcimonieuse sur la quantité d’informations publiées sur l’événement et les circonstances de l’incident dans ses installations de Orth-Donau restent inconnues. Comment une telle erreur a-t-elle pu se produire ? Baxter adhère pourtant à un protocole de confinement des agents biologiques, Biosafety Level [2], de niveau 3 ( le niveau de sécurité ultime étant le 4) qui est sensé empêcher les contaminations transversales des matériaux de laboratoire.

Il n’y a que deux explications possibles et, dans les deux cas, quelque chose d’ extrêmement dangereux s’est réalisé : soit Baxter, ne respectant pas les directives de sûreté BSL3, par négligence ou économie de moyens, a fait des erreurs monumentales dont les conséquences menacent la sécurité de la population mondiale; soit un employé a intentionnellement, sur commande ou par malveillance, placé le virus vivant dans les matériaux vacciniques destinés à être distribués à travers le monde, cela pour une raison que l’on a peine à imaginer.

Si ce virus n’avait pas été détecté lors de la phase des tests sur les animaux, il aurait pu être injecté à des cobayes humains. Les conditions nécessaires à une recombinaison des ADN des deux virus en présence auraient alors été réunies. L’étape de la contamination d’humain à humain aurait fait le reste.

Il faut savoir que les « accidents » dans ce domaine ne sont pas rares. Ainsi l’année dernière, des médecins et des infirmières polonais [3] ont été poursuivis après la mort d’un certain nombre de pauvres et sans abris qui avaient reçu de l’argent pour participer à des tests cliniques de ce qu’on leur avait dit être un vaccin de grippe saisonnière banale. Il s’agissait en fait d’un vaccin pré-pandémique anti grippe aviaire. Les autorités enquêtent sur la possibilité que le personnel médical ait pu lui-même être trompé par les entreprises ayant commissionné les essais.

En ce qui concerne le cas Baxter, si l’on écarte la théorie de la conspiration et examine l’autre possibilité, une propagation mondiale d’un nouveau virus de grippe fortement infectieux pourrait avoir lieu par l’incompétence des compagnies manipulant les virus létaux. Si les entreprises pharmaceutiques sont si négligentes, alors une pandémie est seulement une question de temps et de circonstance.

Examinons maintenant l’hypothèse du complot. A l’heure où les stocks d’anti viraux contre la grippe de certains pays atteignent leur date de péremption (le Tamiflu se conserve 5 ans) [4], que le grand public et les autorités de plusieurs pays concernés commencent à se lasser de cette crise hypothétique et que certains décideurs nationaux se posent la question de la nécessité du renouvellement des réserves au vu du coût financier pour la collectivité que cela exige, cette nouvelle menace est-elle une manière intelligente de provoquer la demande de traitements curatifs et de vaccin préventifs ? Certaines sociétés à la recherche de leurs profits sont-elles capables de prendre le risque de déclencher de grands maux ?

En tous cas, cette « erreur » est une réminiscence d’un incident[5] qui s’est produit en 2005 au cours duquel des échantillons d’un virus d’une grippe potentiellement fatale ont été disséminés à 3747 laboratoires de 18 pays. Le H2N2 n’aurait jamais dû se retrouver dans le kit d’échantillons de virus expédié à ces laboratoires par la firme américaine Meridian Bioscience. Selon le Collège américain des pathologistes, l’organisme responsable de ces envois, destinés à tester les capacités de détection des laboratoires internationaux, la commande passée à son sous-traitant, Meridian, concernait uniquement la version la plus commune du virus grippal et non le H2N2. C’est donc « par erreur » que des échantillons du dangereux virus H2N2 de la grippe dite asiatique de 1957 ont été intégrés dans les lots. Il a été responsable de la mort de un à quatre millions de personnes en 1957 et 1958 avant de disparaître en 1968. Si les personnes nées avant 67-68 ont acquis une immunité contre le H2N2, les personnes nées après cette période ne sont pas immunisées et sont totalement vulnérables au virus. Il semblerait que le niveau de sécurité requis pour le transport et la manipulation de ce virus aussi dangereux n’était pas adapté. Les souches étaient, en effet, présentées comme nécessitant des précautions de niveau 2, à savoir celui qui correspond à un danger de gravité intermédiaire.

Si une pandémie se déclenche, on considère que les chances de la juguler sont très minces, tant le virus se propagerait rapidement par la toux et l’éternuement. Le risque est d’autant plus grand que les personnes infectées seraient contagieuses avant de ressentir les premiers symptômes de la maladie.

On ne peut déterminer à l’avance le degré de sévérité qu’aurait la maladie, ni le nombre de morts qu’elle pourrait entraîner, tant qu’on ne connaît pas précisément la nouvelle forme que prendrait le virus. Plus le virus est virulent, plus haute sera la mortalité.

Il n’est pas possible de prévoir quelle sera la forme du virus mutant, et dès lors impossible de préparer à l’avance le vaccin adéquat si tant est qu’un vaccin puisse être efficient.

A présent, après la crainte générale d’une mutation naturelle éventuelle du virus aviaire lui permettant de franchir la barrière des espèces, l’incident inexcusable dont est responsable le groupe Baxter est un nouveau sujet d’inquiétude. Sous prétexte de parer à une incertaine mutation de ce virus, les laboratoires sont-ils en train de favoriser ce processus ? Qui sont les bio-terroristes ?

Notes :

1- http://www.torontosun.com/news/canada/2009/02/27/8560781.html

2- http://en.wikipedia.org/wiki/Biosafety_level

3- http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/poland/2235676/Homeless-people-die-after-bird-flu-vaccine-trial-in-Poland.html

4- http://web.ifrance.com/actu/monde/72383

5- http://www.rfi.fr/actufr/articles/064/article_35498.asp